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                  A UN POÈTE.



Il est des sources d'eau si bleue et si limpide
Que rien n'en peut ternir la transparence humide,
Que, sur un noir limon leurs ondes de crystal
Roulent sans altérer l'azur du flot natal;
Qu'à travers les débris qui sur leurs bords s'amassent,
Elles savent choisir les fleurs lorsqu'elles passent,
Et que vierges encore de toute impureté
L'Océan les reçoit dans son immensité.

Près d'elles l'ombre est douce aux affligés; près d'elles
Les oiseaux chantent mieux, les plantes sont plus belles;
Près d'elles, au matin, les femmes vont s'asseoir
Pour nouer leurs cheveux devant un clair miroir.

11 est des âmes qui, dans nos sentiers de fange,
Glissent sans y tacher leur blanche robe d'ange,
Sans laisser comme nous se prendre à chaque pas
Une sainte croyance aux ronces d'ici bas ;
Des cœurs qui restent purs quand l'ennui les traverse,
Qui gardent leur amour dans la fortune adverse.
L'air vicié du monde en passant autour d'eux
Se charge do parfums, et comme desflotsbleus,
Sans entraîner un grain de nos terres infâmes,
Ils coulent en chantant vers l'Océan des âmes.
                                  Victor de LA PRADE.