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51 laiîs, l'habitude de dépenser moins qu'on ne gagne et la crainte de tout ce qui est extraordinaire, peut produire de niaiserie égoïste, de petitesse et d'aigreur, dissimulées par la crainte de ne pas gagner, me semble résumé par le mot canu ; les Lyonnais eux-mêmes l'appliquent aux basses classes de leur ville. Or, le caractère du bas peuple dans les pays où la vani- té ne pose pas une barrière infranchissable, comme à Paris , forme bien vile le caractère des classes élevées. Cet ensem- ble d'habitudes et de manières de voir qui vous émerveille dans votre enfant, et que vous appelez son caractère, lui est donné d'abord par sa nourrice et ensuite par la société des domestiques. Daignez remarquer que votre enfant est toujours esclave en votre présence; avec les domestiques, il reconquiert l'égalité, que dis-je? l'égalité, il est supérieur. Or, nul être au monde n'aime la supériorité comme un enfant. Aussi, voyez avec quel épanouissement de cœur un gamin de sept ans court à l'antichambre ou à l'écurie dès qu'il a un moment de liberté. Les parents les plus subjugués sont obligés d'en venir à une dé- fense formelle. La ïévolution française a élevé le caractère des domestiques; beaucoup ont été soldats ou estiment ce noble métier: depuis, les caisses d'épargnes leur donnent des habitudes de rai- son; aussi les enfants ne sont-ils plus exposés à entendre tou- tes les platitudes qui gâtèrent notre enfance, il y a vingt-cinq ans. Il m'arrive parfois de retrouver dans ma tète une phrase toute faite représentant une idée bien absurde; en cherchant, je découvre qu'elle provient de Barbier., le domestique favori de mon père. Pour prendre une idée du caractère lyonnais, il faut e n t e n - dre les négociants jaser entre eux au café. Trouvez quelqu'un de Lyon qui aille faire une partie de domino avec vous. Les demoiselles de la dernière classe à Lyon sont grandes et bien faites; à Paris, elles ont quatre pieds de haut.