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dû se faire Triton, l'eau étant son élément. Ce mot contenait un
éloge ; ce peintre en effet rend assez bien la fluidité des eaux.
   M. Garneray a exposé un charmant bateau pêcheur. Ses marines
se distinguent en général par une grande vérité. Ceci étonne peu,
lorsqu'on sait que Louis Garneray, l'ex-directeur du Musée de Rouen,
fut d'abord un des marins du corsaire le Hasard, et compagnon
d'armes de Surcouf.
   Le possesseur du tableau intitulé : Sauvetage sur la côte de Bre-
tagne, a voulu sans doute jouer un mauvais tour à M. Garneray, en
mettant au jour cette œuvre déplorable; elle date au moins de l'Em-
pire.
   J'ai beau me battre les flancs , la Marée basse de Poitevin me
plaît peu; j'y vois une grande habileté dans le faire, mais peu de simpli-
cité ; on plaint le sort des petits enfants jouant sur la plage ; ils sont
gentils et spirituellement peints ; il est fâcheux que ces gros nuages
enfumés menacent de les écraser.
   J'ai retrouvé une Vue du Léman- devant laquelle nous nous som-
mes arrêtés tous deux à l'exposition de Genève ; ces bons Suisses,
qui ne voient rien au monde de plus beau que leur lac et leur expo-
sition, s'extasiaient très fort. Ici, où la vanité locale ne pousse plus à
l'admiration, on reste assez calme ; pourtant cette toile a du charme ;
l'eau est bleue et transparente ; la vapeur jette un rideau de gaze de-
vant les montagnes ; les voiles blanches des bateaux pêcheurs pas-
sent comme des cygnes qui nagent ; au loin, le lac et le ciel ne font
plus qu'une voûte d'azur, où la rêverie se perd et s'endort (1).
Quiconque s'est assis sur ce rivage appréciera cette reproduction
fraîche et riante. Mais pourquoi cet arbre et ces terrains viennent-
ils détruire toute illusion. Les premiers plans du tableau sentent la
décoration. On y trouve cet esprit d'arrangement que les Genevois
devraient laisser dans leur ménage. M. Diday a terriblemennt abusé
du glacis et de l'empâtage dans l'Entrée et la lisière d'une forêt.
L'un de ces tableaux est une fort mince imitation de Ruysdaal ; on y
voit des flocons de nuages, jaunes ou verts, qui font bien tout ce

   (1) Georges Sand,