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 le ciel, ils en auront senti ou la profondeur, ou la clarté, ou le mou-
 vement ; voilà pourquoi je ne m'étonne pas que les peintres de pay-
 sages se préoccupent si exclusivement de certaines parties do leurs
tableaux au détriment des autres, et je leur pardonne facilement.
 La nature change si souvent d'aspect ; le principe animé qui réside
 en elle, mobile comme Protée, fait passer toutes choses à travers
des transformations si multiples, qu'on doit rarement dire des ta-
bleaux de paysages : ceci est vrai, ceci est faux d'une manière ab-
solue. Dans les tableaux d'histoire ou do genre représentant la créa-
ture humaine et les choses matérielles dont elle s'est entourée, l'ou-
vrage du peintre est plus circonscrit ; il ne se place pas en face de la
création entière comme le paysagiste; il ne se met pas en lutte avec
l'infini. On peut donc être plus exigeant envers lui qu'envers ce
dernier.
    Le plus grand tort des paysagistes, c'est de suivre des systèmes au
lieu de voir, de sentir et d'exprimer aussi clairement que possible
ce qu'ils ont vu et senti. S'ils cherchaient avec persévérance et ar-
deur à pénétrer les beautés mystérieuses des choses, ils pourraient
espérer que la nature, en amante généreuse, leur livrerait peu à peu
ses charmes les plus cachés ; mais non, ces messieurs raisonnent
longuement, au lieu de contempler et de s'inspirer; aussi leurs œu-
vres s'en ressentent, et l'on y trouve en général l'uniformité, la sé-
cheresse de certains procédés plastiques, au lieu de la vérité dans
l'imitation, de la vie dans la reproduction.
    Quand nos peintres veulent être vrais et consciencieux admira-
teurs de la nature, il leur arrive souvent de se renfermer dans une
imitation minutieuse et étroite qui n'est qu'une partie du vrai. Plu-
sieurs sont parfaitement satisfaits s'ils sont parvenus à faire un
rocher ou un arbre qui ressemblent par la forme matérielle seule-
ment à un rocher ou à un arbre, comme ces catholiques ortho-
doxes qui se croient sauvés en récitant autant de Pater et à.'Ave,
qu'en prescrit l'Eglise. Pour les uns et pour les autres, la lettre est
tout, et l'esprit rien; ils ne voient pas que l'esprit est partout dans
la nature, et que la forme est toujours sous sa puissance. Aussi, dans
 cette imitation servile, ne se trouvent comprises ni l'harmonie des