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191 II A Monsieur, Monsieur Gacon, rue Beaurepaire (1) à Paris. A Lion ce 15 novembre, 1717. Votre lettre , monsieur, m'a été rendue par M. Mazard, qui est arrivé en bonne s a n t é , à un peu de goûte p r è s , dont il fut attaqué dans le carosse de la diligenc'e ; mais il en est guéri pré- sentement. Comme j'ai toujours été à la campagne depuis son r e t o u r , je n'ai pu vous faire réponse avec l'exactitude que votre belle lettre méritoit. Vous avez eu grand t o r t , ce me s e m b l e , d'être fâché, que je ne vous aie point nommé dans mon commen- taire. Je l'aurois fait avec plaisir si j'en avois eu l'occasion , quel- que peu considérable que soit cet ouvrage. Mais, en agir autre- ment auroit marqué une affectation que l'on d o i t , à mon sens , éviter en toutes choses. Je suis ravi que vous soyez content des raisons que j'avais marquées à M. Mazard pour les faire voir. Ainsi, monsieur, cessez de croire que j'aie agi par aucun motif de partialité. Je me suis toujours garanti, autant que je l'ai pu, de ces sortes de préventions, qui ne servent qu'à nous empêcher de voir et de connaître la vérité. Et pour ne parler ici que de l'exem- ple que vous me citez, vous avez pu connoître par divers endroits de mon commentaire, quels sont mes sentimensau sujet de la dis- pute sur Homère. J'ai lu avec soin , et avec un esprit libre tout ce qu'on a écrit de part et d'autre : raisons et injures, tout m'a passé sous les yeux. Mais rien n'a été capable d'altérer l'estime sincère que j'ai pour ce grand poëte , et j'ai toujours éprouvé que la seule lecture de ses écrits suffisoit pour détruire toutes les critiques. C'est la destinée de tous les ouvrages qui ont une bonté solide, et des beautés originales. On les loue , et on les critique. Mais la critique n'en diminue point la réputation, et les louanges (1) Nous verrons plus lard que Gacon demeura dans cette rue Transnonain si tristement célèbre depuis 1834. C.