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2j O LES LIVRES DE RAISON En France, et en Provence surtout, pays de tradition romaine, cet usage persista aussi. Seulement le Codex du pater familias y fut remplacé par le Livre de Raison. Comme son nom nous l'indique (liber rationum), ce livre était avant tout le livre de compte de la maison, en même temps qu'il servait à conserver les souvenirs des évé- nements intimes de la famille : naissance, mariage et décès. Mais que le chef de famille soit quelque peu un esprit éclairé et ouvert, il joindra à ces indications d'autres faits et certains traits de mœurs, et vous avez alors un tableau fidèle de la vie réelle de son temps. Les livres de raison, de même que les anciens inven- taires, forment ainsi l'une des sources les plus précieuses et les plus sures d'information pour l'histoire des mœurs et des coutumes. Et l'on doit regretter que Cibrario ait négligé cette sorte de documents, quand il publia son Histoire de l'Economie politique au Moyen Age. Il est vrai que, malgré l'intérêt si grand qu'ils renferment, les Livres de raison sont demeurés à peu près inaperçus jusqu'à nos jours. Vainement, Montaigne dans son livre des Essais, que tout le monde a lu pourtant, nous parlait-il de cette cou- tume traditionnelle, qu'avait religieusement observée son père, et que, lui, regrettait d'avoir mis en oubli (2). Ce n'est que depuis vingt-cinq ans que M. de Ribbe a, le premier, signalé cette mine féconde à l'attention publique, en en tirant le parti que l'on sait, dans son intéressant ouvrage : Les Familles et la Société en France avant la Révolution (3). (2) Montaigne. Essais. L. I " , ch. xxxiv. (3) Tours. 2 vol. in-i8, 1879. 4 e édition.