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214                         BIBLIOGRAPHIE
   Mais je ne veux pas rentrer dans le domaine purement philologique
sans avoir résumé mes idées sur la question morale.
   Deux axiomes vont les préciser :
   I er axiome : Toute population qui change de langue change de
nationalité. Voyez quelle pression exerce la Prusse en Alsace-Lorraine,
en Pologne et dans le Sleswig pour extirper de ces provinces hétéro-
gènes l'usage du français, du polonais et du danois : alors que nous
tolérions en Alsace, nous Français, après deux cents ans d'occupation,
qu'on enseignât en allemand — j'en ai été témoin, de mes propres
oreilles, en 1865 ! — L'Alsace, la Pologne, le Sleswig seront allemands
dès qu'ils parleront allemand, mais pas avant.
   2e axiome : Toute population qui change de nationalité change de
moeurs, usages et physionomie générale : ou du moins le premier chan-
gement facilite étrangement le second.
   La diffusion du français dans nos campagnes a donc soudé plus
étroitement entre eux les divers tronçons de la patrie française. Bientôt
le Breton égaré en Provence aura cessé de s'y trouver étranger; la
patrie s'élargit ; elle déborde des limites du village et de celles de la
province jusqu'aux frontières de la nation ; elle n'a plus pour emblème
et pour centre le ralliement le clocher immobile, visible seulement de
quelques lieues à la ronde, mais le drapeau partout présent, partout le
même, du nord au midi et de l'est à l'ouest, du territoire national.
   C'est un bien, un progrès incontestable.
   Mais les coïncidences ont voulu que la grande unification française
se fît en une période de décadence ; voilà le malheur.
   L'unification n'est nullement la cause de la décadence, mais elle la
hâte, la précipite. Sans le naufrage du patois, le naufrage des mœurs
anciennes eût été moins prompt et moins complet.
   Ne me sera-t-il pas permis de constater ce naufrage et de le déplorer,
à ce point de vue seulement ?


   On le voit, le philologue, chez M. Villefranche est
doublé d'un philosophe et d'un philosophe peu optimiste.
   Quoi qu'il en soit, il a jugé avec raison qu'il y aura
quelque intérêt « pour une douzaine de curieux, patriotes
attardés comme lui, et dans un siècle, pour une douzaine