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                            BIBLIOGRAPHIE                            21 I

tissage des soies — autre source de richesse qui se tarit également et
que, bien à tort, j'allais oublier. Il est des choses qui meurent et
ressuscitent.
   Mais il en est qui ne vivent qu'une fois.
   Je demande à photographier in extremis une de ces choses qui vont
mourir, et mourir pour toujours.


   Ainsi s'exprime M. Villefranche au début de sa préface,
et cette citation donnera une idée du but comme du style
de l'écrivain.
   En effet, nôtre patois s'en va. Il y a cinquante ans, on
l'entendait résonner, dans sa verdeur un peu crue, tout
autour de Lyon, à Cuire et à Caluire, à Trévoux et à
Villefranche, et jusques dans Vaise et dans la Croix-Rousse,
non encore englobées par la grande ville.
   Aujourd'hui on ne trouverait plus un seul paysan qui ne
connaisse les deux langues, et l'immense majorité des
enfants n'en connaît qu'une, le français. Avant trente ans
le service militaire, les chemins de fer, l'école obligatoire
surtout, auront balayé les derniers vestiges du patois, avec
les derniers vieillards qui lui restent fidèles.
   Sera-ce un bien ? Sera-ce un mal? Citons encore notre
auteur; nous ne saurions mieux dire :

   Tout dépend du point de vue auquel on se place pour examiner.
    Ce sera un bien, en ce sens que la jeunesse n'aura pas, comme nous •
jadis, en arrivant à l'école, à s'initier à une deuxième langue et à se
dépouiller d'une foule de locutions hérétiques, selon Monsieur l'Insti-
tuteur ; on ne fera plus rire Monsieur le Curé en lui disant moitié l'un,
moitié l'autre, ou plutôt ni l'un ni l'autre, ainsi qu'il m'arriva à moi-
même quand j'avais dix ans : Achetez-vous pas sur la cadette, traduction
littérale de Achè-tô-veu pô su la cadéta (ne vous asseyez pas sur la dalle).
De notre temps, il fallait, avant toute culture intellectuelle, déblayer
et défoncer le terrain et, en quelque sorte, arracher un arbre pour eiï