page suivante »
202 EN OISANS sa pente presque verticale et par où nul n'est encore descendu. Coolidge, seul, une fois, est monté par là . Il a dit qu'il ne recommencerait pas : le danger est réel, incessant, dif- ficile à éviter car le couloir est continuellement balayé par les avalanches. Mais la neige tombe plus épaisse : « Il ,'n'y a qu'une chose à faire, disons-nous en chœur, c'est de déjeuner ! Quant aux Écrins... eh bien! nous les ferons l'an pro- chain. » Jamais déjeuner ne fut plus drôle et plus assaisonné d'hilarité. Et cependant, enfouis sous nos plaids, accroupis dans la rimaye, sur la neige, entre la glace et le roc où pendaient des stalactites, nous avions dans l'âme une mor- telle déception. Mais il faut prendre son parti des mésa- ventures de la vie, il faut être philosophe et mieux vaut rire que pleurer. En souvenir de notre halte au pied de la muraille des Ecrins, je fais un croquis du Fifre ( i ) et place au premier plan Gaspard et Roderon, vus de dos : comme j'ai écrit leur nom au dessous, on les reconnaît très bien. Ce maudit Fifre, nous semblait-il assez railleur, et puis il venait devers lui un petit air glacé qui nous enlevait tout regret d'avoir abandonné l'ascension. « . . . Voyez-vous, disait Gaspard, le Fifre nous joue un air à sa façon. » Holà ! Gaspard fait des jeux de mots... descendons ! il va nous arriver malheur. (i) Le Fifre, ou pointe de Balme-Rousse, a 3,730 mètres d'altitude. Le col des Avalanches est entre les Écrins et le Fifre.