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200                      EN OISANS

précisément d'une gaieté folle ; et elle fut bien quelque
peu monotone, la longue journée que nous y passâmes.
   Nous dormons, nous fumons, nous errons parmi la
célèbre forêt rabougrie ; nous montons même un moment
en face à mi-hauteur de la Tête de Chéret pour voir et
dessiner dans une échappée de nuages les Écrins qui de là
sont magnifiques.
   Ensuite j'organise un jeu de boules avec des pierres
plus ou moins rondes et durant trois heures, sur la plate-
forme du refuge, trop exiguë pour ce genre d'exercice,
nous taquinons le cochonnet avec acharnement.
   Enfin, la journée passe et'nous nous régalons même le
soir d'un coucher de soleil inattendu. Ses reflets colorent
en rose vif les neiges du glacier de la Pilatte et les Bans,
masse noirâtre et sévère, ont pris des contours veloutés.
La nuit revient en même temps que M. von Kuffner qui
n'a pas abandonné son idée.

    A une heure du matin, nous partons chacun de notre
 côté, mais non sans inquiétude car le temps est couvert.
    Nons traversons [le torrent du vallon et commençons
 l'ascension. Dans le bas, on aperçoit la lanterne de la
 caravane autrichienne qui remonte la rive du Vénéon
 avec des allures de feu follet.
    Plus haut, Gaspard nous montre dans le clapier le gros
 rocher sous lequel il passa plusieurs nuits avec M. Duha-
mel dans les tentatives qu'ils firent par la face sud. Nous
y prenons un premier repas.
    Sur le glacier, à mesure que nous montons et que la
nuit s'enfuit, des brouillards s'abaissent enveloppant les
murailles grandioses qui font de ce côté des Écrins une
forteresse cyclopéenne.