page suivante »
BIBLIOGRAPHIE 37 t Le 4 novembre, un obus allemand éclate sous la voûte de la porte de Colmar, où se trouvait un poste. Vingt hommes sont littéralement broyés d'un seul coup. Les parois des murs dégouttaient de sang et de débris humains. La veille, notre compatriote avait reçu le baptême du sang, dans des circonstances particulièrement dramatiques : « Ce matin-là , dit Valentin Durhône, j'aperçus mon ami X... qui, n'étant pas de garde, avait passé la nuit dans la casemate. Il apportait aux hommes de son escouade le café du matin. Je le gourmandais en riant, sur la profusion avec laquelle sa main amicale m'avait versé le chaud breuvage, lorsque le factionnaire, à la porte même du poste, m'interpelle et me dit : « Réserve-moi ce que tu as de trop. » « Au même instant, des sifflements aigus retentissent à nos oreilles surprises, et] un obus s'abat sur l'étroit espace que nous occupions. L'infortuné à qui je tendais le restant de ma gamelle, s'affaisse subi- tement sans proférer un cri, à deux pas de moi. Un éclat lui avait enlevé une partie du crâne. La cervelle saillait, mise à nu, hors de la tête. Je reçus le baptême du sang. « C'était le premier homme que je voyais plein de vie, tomber raide mort à mes pieds. Je demeurai anéanti. Les jours qui suivirent devaient me familiariser avec ces émotions inséparables de la guerre, mais jamais il ne m'a été donné d'assister d'aussi près à pareille scène. » Le 6 novembre, mort du commandant Marsal. Je laisse encore la parole à l'auteur, qui, en termes éloquents, fait l'oraison funèbre de ce héros du devoir : « Un obus éclatant à ses pieds l'atteignit au bas-ventre. La nouvelle, aussitôt colportée, répandit le découragement et la consternation. Son infatigable activité, son énergie indomptable, se déployaient sans répit. Mieux que pas un, il jugeait clairement la situation, mais, se sentant charge d'âmes, il luttait quand même avec la rage du désespoir. Son ardent patriotisme le poussait aux folies de l'héroïsme. Insouciant du danger, prêchant d'exemple, il exposait à tous les hasards cette vie précieuse qu'un commandant supérieur devrait toujours ménager. Le chef d'escadron Marsal était comme le pivot et l'âme de la défense. Lui mort, notre dernier espoir s'évanouissait. Je me plais à rendre hommage à cette noble figure, demeurée parmi les infortunés défenseurs de Neuf-Brisach, au travers d'une vision consolante, comme l'incar- nation de ces hommes rares, en ces temps troublés, qui n'ont pas désespéré de la patrie ! »