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                 ESSAI SUR LA CARICATURE                  III

Grèce et de Rome? Est-ce une caricature ? un réveil
antique après un sommeil de seize siècles ? — Caricature
divine, après tout, qui seule pouvait sortir du même ciseau
qui fit Moïse !
  A deux pas de lui, les loges du Vatican s'emplissaient de
grotesques et d'admirables grimaces, jetées à profusion et
comme à plaisir par Raphaël et Jean-d'Udine.
  Sous l'inspiration de Ducerceau, Germain Pilon donne
pour support aux consoles du Pont-Neuf de puissants mas-
carons — « monstres odieux » — pour Boileau, qui logeait
auprès et qui ne put s'empêcher de les louer.
   Mais j'ai hâte d'arriver à l'artiste le plus complet à mon
avis, dans ce genre, à Callot le Lorrain, le fin, l'inimitable
caricaturiste du xvm e siècle. J'abandonne, si l'on veut, la
Tentation de Saint-Antoine, œuvre gigantesque et outrée,
empreinte cependant du génie de Rabelais. Je ne veux
m'attacher qu'à ses grandes œuvres : les fêtes, les supplices,
le Siège de la Rochelle, les vues de Paris et de Nancy où
grouillent des milliers de personnages saisis, par une
vision instantanée, dans' leur vie, leur allure et le mouve-
ment enragé de leurs joies ou de leurs colères. La loupe
seule peut constater jusqu'à quels détails miscrocopiques
et vrais ce burin a poussé l'expression de la forme.
   Quel plus saisissant tableau des mœurs et de la vie de
son temps, si trouble et quelquefois si horrible ! les misères
de la guerre, les mendiants, les gueux et dans la folie
d'un carnaval perpétuel, ses mascarades florentines et
romaines !
   Pendant deux siècles la comédie italienne s'en est inspirée.
De nos jours Frédéric Lemaître, un comédien de la même
race, lui emprunte le manteau troué et l'allure matamore
de César de Bazan.