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REVUE DU MOIS 77 >j< La Révolution, quelque opinion qu'on professe à son endroit, est un fait considérable. — L'épithète « considérable », je le sais, est de ces mots qu'on trouve aujourd'hui un peu faibles. Toutefois, je le maintiens, parce que je n'en reconnais pas de meilleur. Lorsqu'un fait considérable est accompli, lorsqu'une invention im- portante s'est fait jour, c'est à qui réclamera d'en être l'auteur et reven- diquera la priorité. Les Parisiens, ne voulant pas se résigner à attendre le 4 août, date qui marque véritablement la fin de l'ancien régime et l'avènement des temps nouveaux, avaient déjà pris position avec le 14 juillet. Les Dauphinois, gens avisés, interviennent maintenant, avec une année d'avance. Il se trouvera quelqu'un pour remonter à Richelieu. Et c'est ce dernier qui aura raison : car la Révolution est la résul- tante d'un travail de plusieurs siècles, et si quelques-uns l'ont accom- plie, tous l'avaient préparée. >{< Je n'en peux dire autant du bouleversement que l'Administration se propose d'apporter dans les noms de nos voies publiques. Pour les Anglais, le nom d'une rue est inamovible, comme le nom d'une ville ou d'un individu. En France, nous aimons à nous donner le plaisir de substituer une plaque à l'autre, comme ces malins d'autrefois, qui décrochaient les enseignes, la nuit, et pendaient un pain de sucre à la porte d'un charcutier. Une des circonstances où un changement est motivé, c'est lorsqu'on réunit sous la même dénomination deux rues se faisant suite et diffé- remment nommées : exemple, les rues Saint-Pierre et Centrale. La rue Saint-Pierre est plusieurs fois séculaire; elle longe le palais de ce nom et rappelle un souvenir historique ; le nom de rue Centrale, au contraire, est récent ; il est mal choisi, puisque la rue est sur le flanc de la presqu'île, il sent la petite ville. Il semble qu'il n'y a pas à hésiter : ce sera rue Saint-Pierre tout le long. O h ! que nenni! Il y a des gens qui ne manquent jamais une occasion de faire une bêtise. Pendant que nous sommes dans les rues, disons un mot des nou- veaux kiosques de la Compagnie des tramways. Tout d'abord, la Compagnie ne s'était préoccupée que d'une chose : installer ses contrôleurs. Des aises du public, elle s'en souciait comme un poisson d'une pomme.