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CHRONIQUE LOCALE Un des plus suaves poètes de l'Allemagne, Hébel, après avoir décrit un orage, et montré les ravages qu'il a commis, dit tristement : Mais plus d'épis !... et c'est dommage ! Puis son âme tendre se remet à espérer et il ajoute : Peut-être en reste-t-il un peu ! Et nous aussi, nous dirons comme lui : Que d'orages ! que de grèves ! que de misères! quel manque d'ouvrage pour les ouvriers ! quelle pé- nurie de récoltes pour les agriculteurs, les fermiers et les consomma- teurs ! Ces pluies persistantes et sans relâche, cet hiver si prolongé n'ont- ils pas compromis toutes les récoltes ? Mais voici un rayon de soleil et nous ne pouvons nous empêcher d'ajouter, comme Hébel : Peut-être en reste-t-il un peu ? Les travailleurs ne sont-ils pas à bout de ressources ? Les ménagères ont-elles encore un peu d'argent dans les tiroirs ? A chaque instant on nous parle de suicides causés par la misère. Hélas ! dans les grandes villes surtout, à côté du luxe et des plaisirs, ne voit-on pas les plus atroces souffrances, les plus amers désespoirs ? Et cependant... y a-t-il jamais eu plus d'affiches de spectacles, de concerts, de courses, de tirs, de jeux qu'en ce moment? Les cafés et les brasseries sont pleins, les omnibus et les bateaux sont au complet, les théâtres et les concerts, comme tous les plaisirs, attirent la foule. Vienne le dimanche, et les environs de Lyon sont encombrés. On n'a plus d'argent, dît-on ! Peut-être en reste-t-il un peu ? C'est notre espoir, car la pensée qu'un peuple souffre est la plus amère qu'on puisse avoir, et l'on ose reprendre confiance et courage quand on voit tant de gens agir comme en temps de prospérité.