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VARIÉTÉS 3O7 devait s'attendrir dans les brancards, mais j'étais trop enfant pour m'en apercevoir. —Les bons voyages que nous fîmes ! On allait de la ville aux champs, de la maison à la ferme, et de la ferme au château. — De peur d'accidents, on me mettait dans un coin ; je vois encore sous la lucarne de gauche une certaine poche bourrée de provisions, à laquelle je faisais de fréquents larcins, pendant que tout le monde sommeillait.' — On était si mollement bercé ! Coco n'allait pas vite, son grand âge méritait des égards, d'ail- leurs. — I l avait été fringant, il avait fait la chasse à courre : aujourd'hui, il faisait sa lieue à l'heure. Il me souvient de ces hauts peupliers qui formaient l'ave- nue de la ferme ; quand Coco nous avait traînés jusque-là , j'éveillais — petit espiègle — tout mon monde, je criais : Hue ! pour arriver plus vite ; je tapais, le vieux jardinier qui riait et dont j'enviais le sort parce que seul avec grand-père, alors, il avait le droit de tenir les rênes. — Enfin, la grosse porte craquait — on était arrivé. Coucher, souper, tout nous attendait ; la bonne Marguerite, que je vois encore au sommet du grand escalier, saluant notre arrivée, une lampe à la main qui jetait de sinistres lueurs sur les murs de l'habi- tation, en sage ménagère avait pourvu à tout. Coco conduisait alors bonne voiture dormir à la remise. Quant à lui, il trouvait tout seul le chemin de l'écurie où la nuit durant il pouvait à son aise s'oublier en propos fami- liers avec bon picotin préparé à l'avance et qu'il avait bien gagné, ma foi! La vieille voiture m'a fait aussi verser bien des larmes, — Quand octobre s'éveillant prononçait, pour les écoliers, le fameux linquenda tellus d'Horace, et qu'il fallait quitter la ferme, c'était elle aussi qui m'emmenait. — Nous par- tions pour six grands mois, six grands mois sans soleil, sans bois, sans fleurs, sans l'étang. — Je ne l'oublierai pas ! La