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66 PIERRE ET JEANNETTE, OU L'ÉCOLE DES PAYSANS
atteinte dans leur santé, et dont on hésiterait à annoncer
la maladie ou la mort, pour ne pas affecter trop cruelle-
ment le pauvre absent? Ou enfin Jeannette se serait-elle
refroidie pour lui, et d'autres sentiments avaient-ils entraîné
son cœur ? Mais cette supposition qui s'élevait dans l'âme
du pauvre garçon était repoussèe aussitôt comme une injus-
tice criminelle. Non, Jeannette ne pouvait avoir oublié son
serment !
Notre départ pour la campagne ne devait avoir lieu que
dans un mois; nous devançâmes un peu cette époque,
pour mettre fin à l'anxiété de notre serviteur. Nous par-
tons; nous arrivons dans notre hameau. Pierre se jette dans
les bras de ses parents, qu'il est heureux de retrouver bien
portants; mais il leur dit aussitôt : « Quel malheur y a-t-il?
Pourquoi n'ai-je pas reçu de lettres depuis si longtemps ?
Est-elle malade ? »
— « Non, mon ami, mais elle n'est plus ici. »
— « Quoi ! interrompit-il, partie ? Pourquoi, ô mon
Dieu ! tout mon bonheur est perdu. »
— « Pierre, tranquillise-toi ; la pauvre fille en revien-
dra; Dieu permettra qu'elle soit sauvée.... »
(A suivre).
E. CORTAMBERT.