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28 LE THEATRE A LYON merait et que, si son commis était aussi coupable qu'on l'avait rapporté à Sa Majesté, il lui ferait infliger une dure punition. Le ministre, dont la conscience droite ne pouvait comprendre une bassesse, s'adressa à L... lui-même pour avoir ses informations, et celui-ci, ignorant la présence de Mme Lobreau à Paris, nia effrontément les imputations qui pesaient sur lui. Dupe de sa bonne foi, Turgot retourna chez le roi, soutint l'innocence de son subordonné et se plaignit amèrement delà méchanceté de ses calomniateurs. Louis XVI l'écouta patiemment, puis il tira de sa poche les papiers que la reine lui avait remis sur cette affaire, les jeta sur la table et tourna le dos, en disant : — « Je n'aime ni les fripons, ni ceux qui les soutien- nent! » Le lendemain, Turgot quitta le ministère ; le roi le remplaça par M. de Clugny, et un nouvel arrêt du conseil confirma le privilège de Mme Lobreau, moyennant l'obliga- tion de payer 30,000 livres de loyer (1). Ce rapprochement d'une anecdote de théâtre et d'un fait historique montre une fois de plus que la fortune politique tient souvent à de bien faibles causes. Plus tard, la directrice, n'ayant plus à craindre de concur- rence, réclama la remise du loyer ; mais le consulat ne crut pas devoir faire droit à cette demande : « Comment, répondit-on, pourrions-nous y être favorables, tandis que nos hôpitaux ont besoin des secours les plus prompts?... que la dette municipale monte peut-être à quarante millions, et que tous (1) Dugas de Bois Saint-Just : Paris, Versailles et les Provinces, t. I, p. 39. — Mémoires de Fleury. — Mémoire pour la direction des spec- tacles de Lyon, 1776 (mss. Biblioth. Coste). Le nouvel arrêt du Con- seil est du 31 mai 1776; il fut confirmé par deux arrêts des 22 janvier 1777 et 1778.