Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  ou L'ÉCOLE DES PAYSANS                    283

   Il se rend à leur habitation. Il entre dans la cour, frappe
à la porte, et ne voit personne ; mais on n'est pas loin sans
doute, car cette porte n'est pas fermée à clé, on peut péné-
trer librement dans la maison, suivant l'habitude des cam-
pagnes, où l'on est plein de confiance.
   Il s'avance donc dans cet intérieur modeste, où tout res-
pire l'ordre, la propreté et le soin. Voilà le buffet de noyer
qui contient les vêtements ; voilà la table de cerisier sur la-
quelle on prend le frugal repas ; voilà les six chaises de
hêtre et de paille; ici, est la table de travail de Jeannette,
où, à côté d'un petit coffre, présent de Pierre, destiné aux
instruments de couture, se trouvaient quelques livres, du
papier, et ces plumes qui avaient transmis tant de fois à
l'absent aimé des pensées si tendres et si pures.
   Des larmes mouillaient les yeux du voyageur, à la vue
de ces objets qui lui rappelaient de si puissants souvenirs.
Que va-t-il faire ? Il ne veut pas laisser ignorer sa présence
à ceux qu'il brûlait et craignait à la fois de rencontrer. Il
tire de son portefeuille son portrait photographié, il le place
sur la table à manger, comme pour l'adresser à tous les
hôtes de la demeure en même temps, et, sur une page dé-
tachée de son carnet, il écrit ces mots qu'il dépose à côté
de la photographie : « Je vous ai enfin découverts, je suis
dans le hameau, permettez que je vienne vous voir. »
   Puis il sort, et, trouvant près du chemin une haie touffue
de charmille, il se place derrière, dans le champ voisin. A
travers le feuillage, il peut distinguer les passants, sans être
aperçu lui-même. Quelle n'est pas son jémotion quand, au
bout de quelques instants d'attente, il voit arriver Jeannette
et ses parents, portant des herbages pour les animaux ; il
reconnaît, sous leurs larges chapeaux de paille, ces figures
bonnes et honnêtes qui lui rappelaient des jours si heureux;
mais elles exprimaient maintenant la tristesse, et la pâleur
avait remplacé le charmant incarnat de Jeannette.