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ou L'ÉCOLE DES PAYSANS 371 tout cela, lui dis-je, en marchant à côté de lui dans la di- rection de Lyon ; dans un quart d'heure nous serons aux portes de la ville, il faut qu'avant ce terme tu m'aies dévoilé complètement ton chagrin, même tes griefs contre moi, si tu penses en avoir. Ce n'est pas au milieu de la ville que je veux entendre tes explications et te faire mes observations. Hâte-toi donc de parler, et commence par me dire en quoi j'ai pu te faire de la peine. » « —• Faut-il vous rappeler, Monsieur, que vous êtes l'auteur du départ de Jeannette, qui est allée cacher son déshonneur dans un hameau lointain ? Faut-il vous rappeler que cet enfant dont vous êtes le père ?.... « —Assez ! interrompis-je, misérable ! Vous osez porter le doute sur la vertu de cette noble fille et sur l'honnêteté de votre meilleur ami, de celui qui vous a comblé de sa bien- veillance paternelle ! Quelles sont donc les paroles perfides qui t'ont assiégé, ô crédule esprit ? Qui donc a bouleversé tes pensées et ta raison? Quoi ! tu n'as pas cru à l'honneur, à la probité inébranlable de ton vieux maître ! Et, chose plus affreuse, tu as soupçonné d'une déshonorante faiblesse et d'une feinte odieuse la plus pure, la plus loyale des fem- mes ? Et la plus charitable, car c'est sa charité que tu as changée en crime, ô malheureux ! Comment pourras-tu jamais expier cette barbare et ignoble supposition? » Ces paroles prononcées avec la plus vive énergie et par- tant si visiblement du fond de l'âme firent une forte impres- sion sur Pierre : des larmes s'échappaient de ses yeux; il approchait peu à peu sa main de la mienne, qu'il craignait de me voir retirer ; il la prit enfin convulsivement, et, se jetant à mes genoux : « — O mon maître, dit-il, pardon ! J'ai été bien coupable, je le sens. Je comprends que j'ai été trompé par d'abominables calomnies, et je suis indigne de vous et de Jeannette. J'ai méconnu vos sentiments; je