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AU XVIIIe SIECLE 257 Joseph Chénier (1), notre excentrique s'était mêlé de plus en plus au monde des coulisses, et avait tenu la férule du critique dans la Lorgnette philosophique et dans le Journal des théâtres. Il passait pour un des aristarques les plus écoutés, lorsque, à l'époque à laquelle nous sommes arrivés, il lui prit fantaisie de venir créer à Lyon une maison de com-, merce (2). On vit, en effet, s'établir dans la rue Mercière une sorte de bazar où Ton trouvait de l'épicerie, de la droguerie et même une fabrique de broderies en tous genres, avec cette enseigne : AUX MAGASINS DE MONTPELLIER Grimod et Ce. Le négociant improvisé avait trente ans. Subissait-il une vocation tardive et irrésistible ? Cédait-il à quelque attrac- tion d'un autre genre ? Suivait-il, comme le suppose un spi- rituel écrivain, M. Ch.Monselet, « l'exemple recommandé par Sedaine dans son personnage du Philosophe sans le savoir, ce. négociant gentilhomme,qui enfouit ses titres dans un tiroir (1) Le fameux festin donné le I er février 1783, en l'honneur de la mort de Mu<= Quinault, fut un mélange inouï de cérémonies funéraires et de bouffonneries. Chaque invité reçut une lettre commençant ainsi : « Vous êtes prié d'assister au convoi et enterrement d'un gueuleton qui sera donné par Messire Alexandre-Balthazar-Laurent Grimod de La Reynière, écuyer, avocat au Parlement, en sa maison des Champs- Elysées... » La salle du festin était tendue de noir et chaque convive avait un cercueil derrière lui. Cette lugubre parodie fît tant de bruit, qu'on en donna, le 12 février suivant, une répétition à laquelle, dit-on, de grands personnages assistèrent incognito. (2) Ce fut à Lyon, en novembre 1789, que Grimod apprit la révo- cation de sa lettre de cachet. 17