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258                       LE THÉÂTRE A LYON
jusqu'au jour où, par son travail, il pourra leur rendre leur
premier lustre (1) ? Etait-ce de la sagesse ou un regain d'ex-
centricité, qui faisait du viveur parisien un marchand de
denrées coloniales ? La réponse serait difficile à faire. Il
vaut mieux se reporter à ce que La Reynière écrivait au
dramaturge Mercier, « ce philosophe courageux et sensible
qui avait peint avec tant de grâce et d'énergie les. travers et
les ridicules » parisiens. Cette lettre, qui était destinée à
faire le pendant du Tableau de Paris, pourrait s'intituler à
son tour : Tableau de Lyon en 1788 (2).
   L'enthousiaste auteur pense de notre cité « ce qu un amant
pense de sa maltresse... » Il vante « l'agrément de la ville,
labeauté de ses monuments, l'étendue de stssuperbes quais,
la propreté de ses rues, l'excellente administration de ses
hôpitaux, l'ordre admirable qui règne dans sa police » :

   « Les rues sont aussi sûres la nuit que le jour; et, quoique le nom-
bre des préposés à la sûreté publique soit infiniment limité, les désor-
dres y sont extrêmement rares pour une population qui excède 200,000
habitants. Les marchés sont propres et bien fournis, et de sages lois em-
pêchent les monopoleurs d'affamer, par une activité coupable, le
citoyen pauvre qui mesure sa subsistance au produit de son travail... »
   « Cette ville est tout entière au commerce, et c'est peut-être à l'acti-
vité qu'il commande qu'elle doit ses vertus.... Si les fortunes y sont
moins excessives (qu'à Paris), les besoins y sont moins impérieux... »
   u De cette activité qui se porte à tous les endroits de la ville, il ré-
sulte un tableau fait pour intéresser l'observateur. A Paris, on court, on
se presse, parce qu'on y est oisif. Ici, l'on marche posément, parce que
l'on y est occupé. Le négociant, le marchand, l'artisan, l'ouvrier, tous
songent à leurs affaires en les faisant. Tous portent sur leur visage
l'empreinte de la réflexion, et l'on voit que si leur intérêt les occupe, cet
intérêt n'est pas fondé sur le malheur des autres. Le commerçant doit ai-
mer sa patrie, le rentier n'aime que lui-même. »


  (1) Gastronomie, par M. Charles Monselet, 1 vol. in-iS.
  (2) C'est ce qu'a fait Léon Boitel en rééditant cette pièce curieuse eu
1843 (tirée à 100 exemplaires in-8°.)