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2i4 L'EXPOSITION DE 1879 la journée ; les nuages, d'un blanc mat, moutonnent bien, et la strie lumineuse qui les sépare de l'Océan, et sur la- quelle se détache le vapeur d'usage, est d'une vérité saisis- sante. Quant aux belles dames qui étalent leur traîne sur le sable rosé, elles sont parisiennes jusqu'au bout des ongles, et de Vaise à Perrache, sur le turf du Parc ou les chaises de Bellecour, vous trouveriez peu de femmes ayant cette désinvolture et sachant porter, avec autant d'aisance, une toilette excentrique. Il y a surtout une grande marquise en chapeau à la Rubens et en robe bleue, dont la vue a fait défiler devant nos yeux tout le high life parisien. Avec quel chic elle assemble sa guipure, et comme sa conversation doit être vive et mordante ! C'est la reine du lieu et de la saison. Cette figure, pour nous, fait le succès du tableau et, devant elle, les défauts que Ton peut reprocher à l'artiste disparaissent : elle ne vous regarde pas, cette femme, mais tout l'ensemble de sa personne est si provoquant que, dès qu'on l'a vue, on veut la revoir encore, tant et si bien qu'on ne voit plus qu'elle,elle et les enfants qui jouent autour de sa robe, et le monde coquet qui lui fait comme une cour, et la plage blonde où la brise fait rouler les ombrelles japo- naises, et la mer lumineuse, et le ciel couleur d'ambre gris, et le vapeur qui file vers New-Haven ou Southampton. On revoit un passé qui n'est plus, et l'émotion qu'on en éprouve est si vive qu'on a besoin de la dire à quelqu'un ou de la griffonner sur le papier. Quant au reste du Salon, il a passé devant nous comme un rêve ; nous le reverrons demain ; aujourd'hui, nous n'avons vu que la plage d'Yport. 11 janvier. Ce matin, nous avons revu l'Exposition, et vraiment elle en vaut la peine. Bien que ne contenant aucune de ces œu- vres hors ligne qui captivent la foule et la tiennent groupée