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UN INCUNABLE II3 landine eût connu l'œuvre de Mercure, il eût vite compris que c'était un rêveur, un illuminé, un fou peut-être, dont il nous serait très-facile de trouver, dans l'histoire des der- diers siècles, plus d'un exemple remarquable. Enfin le sa- vant docteur ajoute : « Après avoir lu, relu et transcrit cette page, le doute n'était plus possible. Jean Mercure fut un fou sérieux. » Mais d'où sortait-il ? Où est-il allé ? Nos historiens sont entièrement muets à son égard ; cependant son séjour à Lyon a été long et a dû être remarqué. Quand il parcourait nos rues vêtu de lin, (1) portant au cou une chaine à l'imitation d'Apollonius de Tyane, distribuant aux pauvres tout l'argent qu'il recevait du roi, guérissant toutes les maladies, jouissant d'une science plus qu humaine, d'a- près l'avis des plus célèbres docteurs qui l'avaient visité et examiné, sur l'ordre du roi, la foule devait s'écarter devant lui avec respect et le saluer avec admiration, comme elle admirait alors tout ce qui lui semblait surnaturel ; elle baisait peut-être même avec reconnaissance le pan de sa robe de lin. Et, cependant, aucun de nos anciens chroni- queurs lyonnais, si empressés d'enregistrer ordinairement tous les faits merveilleux, surnaturels, ne lui a consacré même une seule ligne. J'ai pensé trouver dans la corres- pondance de Louis XI quelque passage le concernant, mais M. Vaesen, notre savant archiviste, qui a recueilli, par or- dre du gouvernement, dans tous nos dépôts publics, la correspondance de ce prince, n'y a jamais rencontré le nom de ce singulier personnage, ni rien qui y fasse même allu- (1) On adoptait alors, parfois, de singuliers costumes. En 1504, pendant une disette, on vit une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants, tout nuds et affublés d'un linceul blanc criant : Sire Dieu, miséricorde, se rendre en pèlerinage à N.-D. de l'Isle et autres lieux de dévotion (Rubys, p. 354). 8