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LES CHASSEURS DE HENNES. 41 l qu'au lieu de nous remettre au piquet on nous donnât la liberté d'abord , puis une hutte pour la nuit et de quoi manger, assurant que nous étions animés des intentions les plus pacifiques et des sentiments les plus bienveil- lants pour les gens de la tribu ; que d'ailleurs nous pen- sions nous remettre en route le lendemain. — Eh bien, me dit Patte-de-Tigre, si tu as faim, vas à la montagne. Tu y trouveras des tigres et tu les tueras. Avec un œil comme le tien on ne doit rien craindre. Il y avait du dépit dans le son de sa voix. Le docteur, qui ne se souciait pas d'aller chasser le tigre au clair de lune, jugea prudent d'intervenir. — Tes paroles sont pleines de trahison et de méchan- ceté, dit-il; penses-tu que les grands chefs qui sont dans la lune aient jamais reçu un étranger inoffensif comme un loup affamé ? Patte-de-Tigre, qui affectait évidemment de prendre dans la tribu les attitudes d'un chef respectable, nous conduisit à sa hutte, alluma du feu et nous distribua de la viande que nous fîmes griller. C'était un excellent quartier de renne. La chair de renne rappelle un peu le goût du foie de veau, relevé par un appétissant parfum de venaison. Le festin terminé, notre hôte se coucha et s'endormit. Nous suivîmes son exemple un instant après. Plus d'une fois pendant la nuit, je fus éveillé par les cris des bêtes fauves qui rôdaient autour du village, et je pen- sai au sort horrible qui nous attendait si nous fussions restés attachés au tronc de sapin. Adrien CRANILE. À continuer.