page suivante »
UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES. 73
avoir obéi, et ne crains-tu pas d'en voir la trace muette
sur son front? Rodolphe a vingt-deux ans passés, mon
ami; il est homme déjà et capable de peser les dangers
qui le menacent. Nous, ses parents, nous ne devons point
nous exposer à un reproche dans l'avenir. Notre rôle est
de le prévenir, d'empêcher une précipitation fatale, de
lui faire lire dans nos cœurs. Puis, si sa résolution est iné-
branlable, s'il persiste dans la volonté de courir les chan-
ces que nous prévoyons, se sera à nous de nous résigner
à l'arrêt de la Providence et de nous préparer à lui donner
les consolations dont il n'aura que trop tôt besoin! Non,
Léonard, non ! je ne m'oppose point à cette union. Elle
me broie le cœur, elle tue mes espérances, je ne sais com-
ment j'aurai la force d'en supporter l'amertume, mais Ro-
dolphe est libre et ce n'est pas moi qui enchaînerai le
premier acte qu'il fera de sa volonté !
Le comte était vivement impressionné par les discours
de Wilhelmine ; mais il ne pouvait s'empêcher de trouver
un fond de raison dans les motifs qui agissaient sur Ro-
dolphe. Il ne se dissimulait point qu'on pouvait faire une
fortune rapide dans un pays vierge comme celui que vou-
lait exploiter son fils et qu'il y avait une certaine noblesse
dans son désir de se créer un sort par son travail. Il ne
connaissait nullement Dona Herminia, mais il avait un
faible tout particulier pour le général, et il ne doutait pas
que s'il devait se séparer de Rodolphe pour un temps, il
ne lui laissât dans M. Fleming un protecteur éclairé et
bienveillant. La position du général dans le pays, son in-
fluence lui semblaient une garantie de réussite, et quant
à la jeune fille, il s'en rapportait un peu à Rodolphe lui-
même et se flattait qu'une fois entrée dans sa maison le
contact, l'habitude, les conseils de Wilhelmine et l'affec-
tion dont elle serait entourée agiraient sur cette nature