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402               LES CHASSEURS DE RENNES.

 m'être enlevé si adroitement que je ne m'en étais point
 aperçu.
   Le docteur disait vrai. Au bout d'un instant la foule
s'écarta et nous laissa passer.
   Mon compagnon continuait à marcher devant moi d'un
petit pas rapide et je le suivais aveuglément, n'ayant
aucune raison pour ne pas m'abandonner les yeux fermés
à son expérience et à son sang-froid. Nous n'avions pas
fait trente pas que nous nous trouvâmes nez à nez avec
un grand garçon , bâti en Hercule, qui nous barra le
chemin et de chaque main nous saisit l'un et l'autre en
pleine poitrine. Je sentis à son étreinte de fer que toute
résistance était inutile et je m'abandonnai à mon sort.
   Il nous poussa rudement en dehors du village et, appe-
lant à lui quelques hommes, nous fit garrotter et lier dos
à dos à un tronc de sapin brisé, fiché en terre comme un
pieu.
   Pendant toute cette opération j'eus les yeux sur le
docteur. Il ne parlait pas ; mais son visage était calme et
serein , ce qui me donna courage. On eût dit qu'il jouait
un rôle de comédie, sans aucune inquiétude sur l'heureux
dénouement de l'intrigue.
   Puis les hommes se retirèrent et nous restâmes seuls.
   Nous étions, comme je l'ai dit, liés dos à dos, sans nous
voir par conséquent, et ne pouvant communiquer que par
la parole.
   — Pensez-vous, docteur, que cette petite fête doive
durer longtemps, insiauai-je timidement ?
   — Je l'ignore absolument, mon cher ami, mais que
vous importe ?
   — Comment que m'importe ? le dites-vous sérieuse-
ment et ne songez-vous pas qu'à l'heure qu'il est votre
vieille Claudine arrose éperduement son poulet sur la