page suivante »
UN MAT» AGE SOUS TJÃS TROPIQUES. 253 maternelle était le sentiment le plus vif qu'elle eût jamais ressenti, son cÅ“ur s'était révolté contre ce mariage, qu'elle n'avait pu prévenir, et plus d'une fois le trop plein de sa douleur s'était épanché en larmes brûlantes silencieusement versées dans le sein de son mari. Rare- ment, mais pas assez pourtant pour avoir toujours échappé au regard perçant d'Herminia, ses traits avaient subi la pression de l'émotion intérieure et trahi sa souffrance. Toutes les perceptions de son âme lui révélaient l'impos- sibilité de vivre avec Herminia, même en revêtant une abnégation de chaque jour, de chaque minute ; toute preuve nouvelle d'égoïsme, d'orgueil, d'absence de sen- sibilité chez sa belle-fille réveillait amèrement cette cer- titude et lui faisait apercevoir pour Rodolphe des horizons désolants. Dans le principe, elle ne pouvait se persuader que ce mariage existât réellement, et, dans les angoisses de son imagination, elle se débattait contre une convic- tion inexorable-, mais la lutte qui déchirait son sein fut de courte durée; les nobles aspirations de son âme triomphè- rent et les plaintes que sa bouche murmurait encore quel- quefois ne s'exhalaient plus que dans la solitude, comme le douloureux écho d'une pensée sans espoir ! Elle conçut alors d'autres illusions, que partagea complètement le comte. Ils se figurèrent que ce roc devait avoir une fis- sure; que sous cette cuirasse de glace et de sarcasme un cÅ“ur pouvait battre et que la différence des éducations, des langages, du mode de percevoir avait été jusqu'ici l'obstacle contre lequel ils s'étaient brisés. Rodolphe, trop jeune, trop impressible, passant subitement du découra- gement à l'espérance, trop faible pour suivre un plan in- variable, manquant tour à tour de dignité et de patience, était incapable de découvrir l'endroit vulnérable de cette poitrine de bronze, et sa présence était plutôt un empêche-