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332            UN MARIAGK SOUS LES TROPIQUES.

      Ce fut bien autre chose à Chirimayo !
      Herminia avait reconquis son asile et ne se donna plus
 la peine de feindre. Comme pour prouver le cas qu'elle
 faisait de ce qu'elle appellait « les sermons » de la com-
 tesse sur la modestie, tantôt elle se couchait sans s'in-
 quiéter de l'assistance, se roulant indécemment dans sa
 couverture; tantôt, nue dans son bain, elle se faisait don-
 ner à boire par un jeune garçon à son service. A Salta,
 Wilhelmine lui parlait constamment du respect que les
 enfants doivent à leurs parents comme de la première
 vertu prescrite par Dieu même; à Chirimayo, Herminia
jetait les assiettes à la tête de sa mère et commandait à
 son père comme à un laquais. On peut se figurer les
 égards qu'elle rendait au comte et à la comtesse. Au bout
 de très-peu de jours, le général reprit le chemin de la
 frontière sans attendre les couches de sa fille, qui mit au
jour un gros garçon aux yeux bleus. Quant à ii m e Fle-
 ming qui abhorrait les étrangers, elle avait, dès l'arrivée
 d'Herminia, fait cause commune avec elle, et leur temps
 se passait à inventer quelque avanie nouvelle pour M. et
 Mme de Czernyi. Leur plan devint si clair, leurs paroles si
 peu ménagées, que le comte n'y put plus tenir.
      — Jusqu'à quand, dit-il un soir à Wilhelmine, devrons-
 nous souffrir cet enfer ? On veut garder Rodolphe et nous
 renvoyer, il n'y a pas à en douter. Herminia est rusée et
j ' a i senti dès le premier jour qu'elle avait jaugé son mari.
La bonté native, la crédulité de notre fils font de lui une
proie facile et, si nous l'abandonnons, la chaîne sera si
lourde qu'il ne pourra la secouer que par un effort qui
 brisera tout sans retour. S'il devait être heureux par cet
 esclavage, je n'hésiterais pas a i e lui laisser subir. Mais
 toi seule avais deviné l'avenir et je regarde comme folle
 toute tentative d'éveiller chez cette femme un bon senti-