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410 LES CHASSEURS DE RENNES. — Quand la nuit viendra, disait cette jeunesse folâtre, les bêtes les mangeront. La vérité sort, dit-on, de la bouche des enfants. Je craignais que nous ne fussions destinés à vérifier une fois de plus l'exactitude du proverbe. Patte-de-Tigre vint mettre fin à ce supplice. — Qu'est-ce que cela, me demanda-t-il en me présen- tant mon fusil ? — Une arme pour la chasse. — Comment t'en sers-tu ? — Fais-nous délier et tu le verras. On nous rendit (a liberté. Je fis poser à cinquante pas une tête d'aurochs qu'on venait de dépecer, et je lui en- voyai une balle eu plein front entre les deux cornes. Il est inutile de vous dire la surprise causée par la dé- tonation. Elle ne fut pas de longue durée. Patte-de-Tigre examina le coup, prit son arc, pesa minutieusement dans la main chacune des flèches qu'il portait en un paquet passé en sautoir, en choisit une, et visa. La corde se dé- tendit, la flèche siffla et alla se ficher en terre, après avoir fait un tour sur elle-même, à deux mètres au-des- sus du but. — Manqué! m'écriai-je. Patte-de-Tigre sourit, me prit par le bras, et sans rien dire me conduisit vers notre cible improvisée. Une petite pointe de silex finement taillée était fichée dans le trou de ma balle. La hampe s'en était détaché par l'effet du contre coup. J'étais battu. Faisant alors reporter la tête d'aurochs à cent cin- quante pas plus loin, je. brisai d'un second coup l'extré- mité de l'une des cornes. Patte-de-Tigre renonça à la lutte. La distance dépassait la portée de son arc. Nous profitâmes de ce petit succès pour demander