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                 LES CHASSEURS DE REGNES.               403

broche pour l'empêcher de brûler et s'impatiente de notre
retard ? Je vous avoue que la faim me déchire et que j'ai
des trous dans l'estomac.
    — Ah ! voilà bien les Français ! les hommes du pot-
au-feu ! Nous n'aimons les voyages qu'en imagination,
et nous ne demandons, aussit4t partis, qu'à nous faire
repatrier.
    — Mais enfin, docteur, où sommes-nous ?
    — A l'Age du Renne, parbleu !
    — Et qu'y sommes-nous venus faire ?
    — Etudier, mon ami ; mais je vois avec peine que vous
n'êtes pas du bois dont on fait les martyrs de la science.
    Malgré la tristesse de la position, je ne pus retenir un
éclat de rire. Cette idée que, parti le matin de chez moi,
j'allais recevoir, avant le coucher du soleil, les honneurs
du martyre, me paraissait plus grotesque que navrante.
    — Commençons nos observations, me dit le docteur,
au bout d'un instant de recueillement. Que voyez-vous
 de votre côté ?
    — Hélas ! une vieille hutte ruinée, et pas autre chose,
 et vous ?
    — Les imbéciles m'ont tourné le nez contre un bloc de
 rocher qui me vient au-dessus des yeux et m'intercepte
 la vue. Cependant tout n'est pas perdu , car voici à mes
 pieds une plante fort curieuse qui, si je ne me trompe,
 est la cladonia rangiferina, un lichen des contrées sep-
 tentrionales dont se nourrit presque exclusivement le
 renne. Vous devez en avoir devant vous et je vous con-
 seille de profiter de l'occasion pour l'examiner. C'est une
 grande mousse jaunâtre et frisée comme un cœur de sa-
  lade.