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BIBUOGRAPHIE. 351 jour il s'est servi de sa clé de fée pour lui-même, pour son avantage per- sonnel. Oh ! ce n'est pas un crime. Nous allons préciser. Peut-être trou- vera-t-on des circonstances atténuantes. C'était en 1860. Les Sonnets humouristiques de Joséphin Soulary ve- naient de paraître. L'éditeur lyonnais, Schcvjring, avait donné à cette belle poésie une parure digne d'elle, il avait fait imprimer le volume chez Louis Perrin. Mais la monture avait augmenté le prix du diamant et toutes les bourses n'y pouvaient pas atteindre. Benoît écrivit à Soulary : Poète, je voudrais vous lire, mais, hélas ! Point n'ai piastre ni sou pour avoir votre livre ; J'en crève de dépit et je ne pourrai vivre Tranquille de longtemps si je ne vous lis pas. Or donc, pour me tirer de ce triste embarras. Il me vient une idée... oh ! je n'ose poursuivre, Car vous allez penser que je parle en homme ivre.... Tant pis ! j'espère en vous et je franchis le pas. Voudriez vous bien, Monsieur, pour toute une semaine, Me prêter vos sonnets? n'en soyez point en peine, J'en aurai, je vous jure, un soin particulier. L'ami Fraisse m'en a fait goûter une grappe, Mais, ivrogne altéré, qu'un petit coup attrape, Je voudrais pouvoir mordre au raisin tout entier. Il faudrait ne pas connaître le cœur de notre éminent poète pour de- mander la fin de cette histoire. Soulary s'empressa d'offrir le volume avec- une dédicace et, don plus précieux, dont Benoît Perrin se montra recon- naissant et fier, il y ajouta son amitié. La petite clé de fée avait encore cette fois largement servi. Un autre jour, M me Chevreau, dont nous nous garderons bien en ce temps- ci de louer le cœur, l'esprit et la bonté, gravit les degrés de la mansarde et vint, comme un ange du ciel, offrir un emploi au modeste canut. Perrin fut profondément touché ; homme de cœur lui même, il sut apprécier cette délicate démarche, mais il préféra son métier, sa navette, ses habitudes à la place qui devait assurer son sort. Il refusa. Ajoutons, comme trait à son honneur, que, quoique ouvrier en soie. Perrin, chose bizarre, ne rêva jamais d'être député, préfet du Rhône, ou simplement maire de Lyon. Aussi a-t-il fini comme il avait vécu, en poète. Quelques heures avant de mourir, serein, calme devant le moment suprême, il eut encore la force d'ajouter quelques mois à un autographe de Lamartine, cl de l'offrir comme un hommage au prêtre qui le visitait : « Voici, Monsieur l'abbé, lui dit-il en souriant, un souvenir du vieux psète que vous avez assisté à ses derniers moments. » Même à l'époque où nous vivons, Benoît Perrin croyait à la religion et à la poésie. AIMÉ YINGTRINIER, CHRONIQUE LOCALE Notre dernière Chronique laissait entrevoir l'espérance que l'ordre et la tranquillité se rétabliraient en France sans que l'émeute eût grondé à Lyon, sans que la guerre eût éclaté dans sa ville de prédilection. Nous nous sommes trompé. Lyon était trop bien prépare , Lyon est trop bien travaillé de longue