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  Voit-il ses deux petites filles jouer au pied de son métier, il arrête sa
navette et p r e n d sa plumo :
                  Doux fruit de mon amour, qu'au nid de ma miîère
                         Dieu Ut naître et grandir,
                  Venez, mes chers enfants, embrasser votre père
                          C'est l'aidera souffrir.
                  De mon ciel nébuleux tourmenté par l'orage
                         Vous êtes l'arc-en-ciel !
                  Ah 1 ne vieillissez pas, 1 la vie, a votre âge,
                                           car
                          N'est que rose e , que miel !
                  Quand vos petites mains, caressantes, gentilles,
                          Passent dans mes cheveux
                  Je sens comme un zéphyr, ô mes charmantes filles,
                          Qui me rend tout joyeux.
                  Dans vos regards aimanls, de l'onde de ma vie
                          Je vois couler les flots;
                  Et dans vos doux baisers mou àmc rajeunie
                          Boit l'oubli de ses maux.
  Mais l'amour paternel n'est pas seul à faire vibrer ce cœur de poète.
Cntnme il ajoute vite à l'adresse de la compagne de sa vie :
                  De votre bonne mère, ah 1 vous êtes l'image,
                         Chérissez la toujours,
                  Et soyez toutes deux, quand la courbera l'âge,
                         L'appui de ses vieux jours !
     N'est-on p a s disposé à aimer cet h u m b l e poète q u i , à l'opposé d e nos
hommes de lettres à la m o d e , consacre son talent à célébrer le foyer domes-
t i q u e , la famille, sa femme et ses enfants ?
     P u i s , il fait u n r e t o u r sur l u i - m ê m e , voit ce qui lui manque et ajoute
avec une douce résignation :
                  Quand ma muse plaintive isolément murmure,
                  Comme un petit raillou qu'entraîne l'onde pure,
                  Comme un faible rameau seus l'orage plié,
                  Qu'importe que mon ciel se voile ou se colore V
                  Comme elle je serai, quand reviendra l'aurore,
                          Un vain songe oublié.
                  A trente ans, ignorant, je ne veux rien apprendre;
                  La manne du savoir sur moi ne peut descendre ;
                  L'air qu'on respire au ciel sonflle-t-il ici-bas ?
                  Apprendre, il n'est plus temps... sous la voûte éternelle,
                  J'envie et suis des yeux la rapide hirondelle....
                          Sou vol ne "s'apprend pas !
                  Je suis la fleur cachée aux fentes solitaires;
                  Je suis l'oiseau chantant sans savoir les mystères
                  Des notes sans écho que sa voix jette aux vents;
                  La vague au bruit perdu, l'insecte qui. dans l'ombre,
                  Glisse en rendant sa route et moins triste et moins sombre
                          Par ses rayons mouvants.
   Ainsi s'écoula cette v i e , entre le b o n h e u r de la lamille, la poésie et le
travail. Il est mort le 7 mai, à l'âge de 51 ans. Deux jours après, quelques
acnis l'accompagnaient à l'église de Saint Paul, sa vieille paroisse, où prêcha
(ierson l'humble et immortel chancelier qui faisait l'école en écrivant
l'Imitation.
    « Pauvre il est n é , pauvre il est m o r t , m ' é c r i t M. Simonct, greffier à la
C o u r , qui l'a connu ; insouciant p o u r lui-même, il était p o u r les autres
d'une obligeance sans b o r n e s , e t dans sa modeste position, une petite clé
do fée lui permettait de r e n d r e bien des services. On le savait, et u o m b i e
de solliciteurs ne dédaignaient pas de le p r e n d r e p o u r i n t e r m é d i a i r e .
Quelques vers, u n sonnet assuraient presque toujours le succès de ses
d é m a r c h e s . Il n'en a jamais usé pour l u i - m ê m e — »
    M. S i m o n e t nous permettra de l'arrêter ici et de le c o n t r e d i r e .       Un