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LES CHASSEURS DE RENNES. 303 à la même place ou à peu près, mais beaucoup plus large, comme si elle avait tout à coup inondé ses deux rives. Le village de Solutré avait disparu. Toute la contrée paraissait inhabitée, déserte, sombre et stérile. Mais voici que portant mes yeux vers la base du ro- cher, j'aperçus le sol couvert de proéminences coniques, d'où s'échappait de la fumée et que je n'avais jamais re- marquées sur ce point. On aurait dit des feux de char- bonniers. J'en étais là de mon examen, quand l'un de ces monticules s'entr'ouvrant, j'en vis sortir quelque chose qui, de loin, me parut être un ours ou un homme; mais un homme vêtu de peaux de bêtes. D'autres le suivirent. C'étaient bien des hommes; ils parlaient et je distinguais le son de leurs voix. Quatre d'entre eux portaient un fardeau pesant ; les autres s'avançaient en sautant et en gesticulant. Des femmes, que je reconnaissais au timbre de leurs voix, poussaient des cris aigus, et des enfants pleuraient. Ils se dirigeaient lentement de mon côté et se mirent à gravir le talus en haut duquel se trouvait l'an- fractuosité de rocher où j'étais étendu immobile, sans pouvoir faire un mouvement et comme paralysé. A me- sure qu'ils se rapprochaient, je distinguais mieux ces étranges personnages. Ils avaient tous des peaux de bê- tes pour vêtements; leurs visages étaient peints en rouge ou en noir; de longs cheveux en désordre leur tombaient sur le front et les yeux, et des armes leur pendaient au côté ; mais quelles armes ! des arcs, des lances ou des massues de bois. Enfin, je pus voir que le fardeau porté par quatre hommes étaitun mort, vêtu comme les autres, tatoué en rouge, avec ses armes passées en sautoir. J'assistais à une cérémonie funéraire. On se dirigeait, il n'y avait pas à en douter, vers le point où j'étais étendu. En effet, au bout d'un instant, hommes, femmes et en-