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302 LKS CHASSEURS !>!i RUNNKS. de l'horizon. Ce que je préfère dans la nature, ce sont les grands horizons. Ils ont pour moi l'attrait de l'inconnu; le charme de l'avenir. L'avenir est l'horizon de la vie ! Une chose me gênait dans ma quiétude contemplative; c'était une petite pierre blanche qui étincelait au soleil et détonait dans l'harmonie générale comme une note fausse dans une symphonie. Cette petite pierre aigre, criarde, pointue, attirait malgré moi mon regard et se trouvait invariablement, quoi que je fisse, sur la ligne parcourue parmon rayon visuel; je la supportai longtemps, la paresse et la nonchalance l'emportant sur la volonté. Mais à la fin l'impatience nerveuse atteignant à son comble, je me roulai péniblement vers elle, et je la saisis pour la jeter au loin sur les pentes du talus qui s'abaissait à mes pieds. Cependant, retardant l'exécution delà sentence, je fis tourner l'importune dans mes doigts pour l'examiner avant de la lancer dans l'espace. C'était un fragment de silex, ou pierre à fusil, blanchi par le temps, lavé par les pluies, en forme de disque de la largeur d'une pièce de cent sous. Cet examen, loin de calmer l'état nerveux où j'étais, ne fit que l'accroître et la torpeur que j'éprouvais augmenta si bien que mes yeux, comme rivés sur le disque blanc, ne purent s'en éloigner. Que se passa-t-il alors en moi, je l'ignore; mais tout à coup, je me sentis saisi par un froid assez intense; la lu- mière baissa, le soleil se voila de nuages gris et sombres; il y avait de la neige par terre, et, chose étrange! j'eus peine à reconnaître où j'étais. Tout, excepté les profils et les grandes lignes du pays était changé. Plus de vignes, plus de saules, ni de prairies; des mousses, des lichens, une maigre végétation partout; des bouleaux et quelques sapins au fond de la vallée. La Saône coulait bien encore