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298              LES CHASSEURS DE RENNES.

   Peu de temps après, l'Homme fossile, traduit dans
toutes les langues, faisait son apparition sur toutes les
tablettes de libraires. Alexandre T. voulut posséder
l'Å“uvre capitale de son illustre ami, dont la presse en-
tière retentissait. Il acheta le livre. Je n'oserais pas dire
qu'il le lut, mais il le coupa et le parcourut.
   Quelle fut sa surprise lorsqu'il découvrit que des cha-
pitres entiers étaient empruntés à son manuscrit et tra-
duits presque mot pour mot. Son premier sentiment fut
unejoie immodérée et il faillit écrire au savant de Berlin
pour le remercier. Mais un examen plus attentif des
chapitres en question lui fit remarquer que son nom
n'était cité nulle part, ce qui changea bientôt sa joie en
une impression pénible, presque douloureuse, qu'il vint
me confier.
   Il n'y avait pas à en douter, Lehmwasser s'était servi
largement du manuscrit de mon ami, en avait tiré ses meil-
leurs arguments et ses révélations les plus surprenantes
sur ces siècles lointains et oubliés qu'on appelle préhisto-
riques, parce qu'ils sont antérieurs aux traditions et à
l'histoire européennes. Personne n'avait tracé encore
un tableau aussi saisissant, aussi vivant du monde bar-
bare des temps primitifs. Sans doute le génie de Lehm-
wasser était pour beaucoup dans ce succès, mais T. lui
avait fourni le canevas sur lequel il avait brodé avec
autant d'art que de science.
   Alexandre me demanda conseil sur le parti à prendre,
mais comme il ne voulait ni tapage ni scandale ; que
d'ailleurs toutes réclamations eussent passé inaperçues,
signées d'un nom inconnu, nous résolûmes qu'il n'y avait
rien à faire. Mon excellent ami ne pouvait croire à une
piraterie scientifique et repoussait tout soupçon à l'en-
droit du Dr Lehmwasser, dont il était prêt à garantir en-