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               UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.              25B

trelace aux fleurs qui couronnent la fiancée ; elle berce
nos rêves et plane en souriant au dessus de nos enfants
endormis! C'est la main de Dieu lui-même qui l'a placée
entre nous et les choses futures comme un rideau magi-
que qui nous en dérobe les douleurs !
    C'est ainsi que chaque homme dresse dans sa pensée
l'édifice fantastique de sa vie. Peu importe qu'il s'écroule
 sous la pression fatale de la réalité; l'espérance, cette
féerique créatrice, a bientôt fait surgir de nouveaux hori-
zons, et toujours, le bonheur apparaît au dernier plan,
phare trompeur qui fuit éternellement devant nous, mais
dont l'éclat nous donne la force de courir jusqu'à l'abîme
qui s'appelle l'éternité !
    Rodolphe rêvait comme tout jeune homme rêve. Il as-
pirait à pleins poumons l'air pur des champs et les sen-
teurs embaumées que lui envoyaient les fleurs aromatiques
nées d'elles-mêmes sous les tropiques. E n passant sous
les rameaux élevés des lapachos, en voyant s'arrondir les
fûts des quinaquinas et festonner l'immense famille des
lianes diaprées de toutes les couleurs de la palette divine,
il lui semblait qu'une nouvelle existence recommençait
pour lui. La solitude de la nature n'est pesante qu'à ceux
dont le remords gonfle la poitrine. Les cœurs purs s'y
dilatent, s'y fortifient dans l'amour et la foi pour l'intel-
ligence incommensurable qui se révèle à l'homme dans la
contemplation de ses Å“uvres. Le sentiment des maux
réels parvient même souvent à s'effacer dans l'absorption
générale de l'âme. On dirait que la pureté de l'atmosphère
endort la douleur par un mystérieux magnétisme; le cou-
rage se retrempe, et quand la vie réelle reparaît tout à
coup, on est préparé pour les froissements qu'elle amène.
                                         F.   CLAVAIROZ.

         (A continuer).