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246 UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES. Et les journées s'écoulaient ainsi dans une continuité d'efforts de Wilhelmine pour inculquer à sa belle-fille des sentiments de délicatesse et de saine raison, et une résis- tance non moins persistante d'Herminia à repousser tout ce qui venait d'elle. Du reste le comte n'était pas plus heureux dans ses ten- tatives; il avait proposé d'enseigner l'allemand à Hermi- nia, surtout pour se ménager un entretien intime de quel- ques heures. Sa belle-fille s'y prêta pendant huit jours ; le neuvième elle eut la migraine et le dixième elle dé- clara qu'elle aurait tout le temps d'apprendre quand elle irait en Europe. La vérité est qu'elle était excédée des conseils du comte. Toute la tendresse, toute l'onction dont il emprégnait ses moindres paroles, toute l'indulgence par laquelle il émoussait la plus douce de ses remontrances, n'amenaient qu'un long bâillement ou un sourire nar- quois. Au fond, Herminia ne détestait pas trop son beau- père, car elle ne lui supposait aucune influence sur son fils ; mais il l'ennuyait à mourir, et elle le lui laissait voir sans façon. « Anita ! écrivait-elle quelques mois plus tard. J'ai une bonne nouvelle à t'apprendre. Je suis enceinte, ma chère, et tu ne saurais concevoir ma joie. Ne va pas te tromper à ces paroles et te figurer que je deviens folle par avance du petit moutard que je mettrai au monde : J'ai toujours trouvé que les enfants étaient sales, criards et puants. Le mien ne fera pas exception et je frémis d'avance à la seule pensée des douleurs qu'il va me coûter. Hélas ! combien je me suis abusée, pauvre Anita, et que mon exemple te serve de leçon ! Moi qui recevais les soupi- rants à ma fenêtre, qui riais sous cape quand ils se mor- fondaient dans la rue à m'attendre, qui ne leurs donnais ma petite main blanche que juste assez pour pouvoir me