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UN MABIAGE SOUS LES TROI'IQUKS. 245 casme ou par une force d'inertie invincible tous les efforts que faisait sa famille pour se l'assimiler. Généralement elle se taisait, mais le pli de sa lèvre était d'une insolence telle que plus d'une fois la comtesse quittait l'apparte- ment pour rester maîtresse d'elle-même. Non seulement Herminia bouleversait toutes les idées de régularité reçues en Europe; non-seulement elle restait plusieurs jours sans vaquer aux soins les plus vulgaires de la toi- lette, mais sa chambre était d'un désordre révoltant. Ses vêtements gisaient épars sur des chaises, sur des malles, sur le sol, dans un pêle-mêle inoui ; fût-elle de l'étoffe la plus chère, sa robe était jetée sur le lit où elle s'étendait à chaque instant, la foulant aux pieds sans se déchausser ; c'est ainsi qu'elle passait tous les moments qu'elle pouvait dérober au salon, tantôt accroupie, roulant dans ses doigts la pointe des tresses de ses cheveux, tantôt ensevelie dans une somnolence sans pensées. Quand elle parlait, c'était pour contredire la comtesse ou lui répondre des impertinences. Wilhelmine remuait toutes les cordes du cœur dans l'espoir d'en entendre une résonner à l'unisson, mais c'était peine perdue. Un jour qu'elle résumait les devoirs des enfants envers leurs pa- rents par un mélange de respect et d'affection : — Moi ! s'écria Herminia, je n'ai jamais aimé ni mon père ni ma mère! j'aime à manger ce qui me plaît et à dormir quand je veux ! Une autre fois, la comtesse lui parlait des rapports qui devaient exister entre époux et signalait les malheurs qu'amenaient les mésintelligences : — Une femme sans son mari, disait-elle, est privée de toute considération dans le monde.... — Bah ! interrompit Herminia, peut-être chez vous, ici nous n'avons pas besoin de considération !