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242           UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.

pauvre garçon qui se laisse prendre à la glu comme un
oiseau et qu'on endort avec une parole. Mais je m'étais
mariée pour avoir un esclave à mes pieds et je ne trouve
qu'un imbécile qui se laisse seriner par sa pie-grièche de
mère et sermonner par son père, autre vieux fou qui a cru
me séduire avec des airs de sympathie et des larmes à
l'œil ! Au moins celui-là n'est pas méchant, mais la vieille! !
il fallait voir l'autre jour quel coup d'œil elle m'a lancé
chez les Pinto, que nous avions été visiter ! Au reste l'his-
toire vaut bien que je te la conte.
   « Après m'être bien fait prier pour sortir, j'avais fini par
consentir. Rodolphe s'était mis à ma toilette avec un soin
tout particulier et vraiment je regrettais que l'un de mes
anciens adorateurs ne fût pas là. Il aurait composé quel-
ques strophes sur mes yeux de velours et ma petite main
blanche. Bref nous nous rendons chez les Pinto, moi au
bras du vieux, qui me chantait quelque sornette sur les
merveilles de son pays.... Et, à propos ! puisque j'y suis,
je te dirai que c'est une des choses qui m'exaspèrent le
plus. Ces gens-là ne trouvent rien de bien ici : on ne
mange, on ne boit, on ne dort, on ne vit réellement que
chez eux ; ils prétendent manquer de tout, et à chaque
instant ce sont des insinuations d'autant plus perfides
qu'elles sont cachées sous une foule de circonlocutions
polies qui empêchent de se fâcher sans rien ôter à l'acuité
de la réflexion. De sorte que moi qui voulais voir l'Europe,
moi qui méprisais Salta, Lima, Buenos-Ayres, qui ne
rêvais que Paris, Londres, tous ces grands foyers de lu-
mière et de plaisirs, moi qui pressentais que là seulement
se trouvait cette source de jouissances inconnues à nous
autres enfants de la nature, je me suis prise à détester
Paris, Londres, l'Europe, et tout ce qui n'est pas Chiri-
mayo, où je veux rentrer pour n'en plus sortir !