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IIS MABIAGE SOUS LES TROPIQUES. 'ÃVÀ « Je reviens à mon histoire. Nous arrivons chez les Pinto et trouvons le salon plein. Tu sais que leur frère a épousé la Rosaura Sevil, une de ces pimbêches qui se croit tout permis parce qu'on leur a dit qu'elles étaient passables. J'exècre leurs grands airs et je riais sous cape de la bonne occasion que je voyais venir. En effet, on ne manque pas de me demander de leurs nouvelles, et ma belle-mère de saisir ce moment pour faire leur éloge. Quant à moi je réponds carrément ce que j'en pense et j'entonne un can- tique si bien chanté qu'il produisit un effet prodigieux. Tu ne peux te figurer les yeux de la vieille, qui me suppliaient et me foudroyaient à la fois, l'air bête de Rodolphe, qui n'y comprenait rien et les grimaces des Pinto, qui sautil- laient sur leurs chaises à chaque épithète que je débitais de l'air le plus gracieux du monde. L'envie de rire m'é- touffait; cependant je me contins jusqu'au bout, pensant bien que cette drôle de conversation irait jusqu'à Chiri- mayo, où ces belles personnes enrageront en l'apprenant. Mais en sortant de là il a fallu en endurer de cruelles ! Rodolphe avait la mine sombre et silencieuse, le comte s'en allait le nez en terre, et la belle-mère entreprit un sermon sur les égards envers le prochain, la nécessité de l'indulgence quand on vit en société et une foule d'autres fadaises du même genre. Tu sais, que je ne me déconcerte guère; aussi répondis-je tranquillement que du moment où la civilisation n'apprenait qu'à mentir et qu'elle ne consistait qu'à manger et dormir à des heures fixes, j'aimais tout autant rester sauvage; qu'au moins on savait à quoi s'en tenir avec moi, tandis qu'avec les civilisés on devait toujours croire à une tromperie; qu'en conséquence rien ne m'empêcherait de faire ma volonté et de dire ce que j'avais dans le cÅ“ur ! « Tu comprends, chère Anita, quelle force me donne cet