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188 UN MARIAGE SOIS I.l'.S TKOPIQUKS s'apercevoir du combat qui se livrait en (die, car ses ma- nières, empreintes d'une certaine dignité, étaient néan- moins toujours amicales; mais Wilhelmine redoubla d'at- tentions et de prévenances; elle s'efforça visiblement de conquérir la confiance qui devait mener à l'affection. Une Européenne n'eût pas résisté à ces avances, ou, si quelque motif secret eût tempéré son abandon, l'éducation lui eût fait dissimuler cette mise en g-arde, et peu à peu l'harmo- nie eût succédé à ce premier sentiment de méfiance. Mais Herminia n'était point une civilisée, accoutumée à taire les sentiments qui peuvent blesser, à faire d'inno- cents mensonges dans le seul but de plaire ; elle ressem- blait à une sauvage rusée et inquiète, toujours prête à croire à la trahison; elle avait grandi au soleil, entourée d'esclaves qu'elle tourmentait à son g*ré, d'amies d'un jour qu'elle déchirait le lendemain, faisant tremble1- sa mère devant ses caprices impérieux et fuir le général devant son opiniâtreté irrespectueuse. Personne n'avait jamais contredit sa volonté, nul n'eût osé hasarder une obser- vation; chacun se soumettait, soit par crainte, soit par flatterie, soit par fol amour. Elle avait vu son père tenir le premier rang' dans Chirimayo, sa mère passer avant les personnages les plus influents ; rien ne lui paraissait donc pouvoir égaler sa propre maison. Toute son éduca- tion se bornait à avoir appris à lire et à écrire; et cette instruction même lui avait été fatale, car le hasard avait fait tomber entre ses mains les traductions de quelques romans licencieux, infâmes produits de la littérature fran- çaise à la fin du dernier siècle, et son esprit s'était per- verti en même temps que ses sens s'étaient éveillés. Son intelligence native lui faisait pressentir dans cette Europe mystérieuse une foule de plaisirs inconnus, et ses appé- tits la poussaient à vouloir en jouir. Hais à peine rentrée