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4 84 ON MARIAGE SOUS LES TKOPJQl'ES. Cependant Rodolphe était jeune et son âme ouverte h toutes les pensées généreuses. Un sourire, une larme de sa mère chassaient ou ramenaient les nuages de son front, ordinairement rêveur, et son inquiétude pour le moindre de ses malaises, son attention pour le plus petit de ses dé- sirs eussent prouvé à un observateur attentif que cette na- ture concentrée était prête à se donner à qui saurait la conquérir. Il était candide comme on l'est d'ordinaire à vingt ans et confiant comme ceux dont le monde n'a point encore défloré les illusions bénies. Ainsi que le disait le comte, avec de l'adresse imprégnée d'amour, une femme eût pris sur Rodolphe un empire presque absolu, et c'était précisément parce que M. de Czernyi connaissait ce mé- lange de faiblesse et de ténacité qu'il eût voulu diriger Herminia dans la voie qu'il jugeait devoir faire leur bonheur à tous deux. Restait Wilhelmine. Qui pourrait dire les sentiments confus, tumultueux, contradictoires qui oppressaient la poitrine de la pauvre mère! depuis dix jours ses yeux ne s'étaient pas fermés au sommeil, ou, si parfois la fatigue était venue les appesantir, d'horribles visions rendaient ce repos léthargique plus pénible mille fois que l'insomnie. Ses nuits étaient remplies par un long- sanglot, étouffé par la crainte de réveiller le comte, et quand, à la fin, M. de Czernyi s'aperçut de cet état dangereux pour sa santé et voulut hasarder quelque consolation : — Léonard! répondit-elle , c'est la première douleur que vous m'ayez donnée; mais elle me tuera ! Vous avez sacrifié votre femme, votre enfant à je ne sais quelle misérable ambition que mon cœur repousse, et, pour votre châtiment, Dieu permettra, vous le verrez, que vous soyez frustré même dans cette espérance ! Ne me parlez pas de résignation. Vous deviez me connaître, savoir ce qui se