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HUGO ET VAQUEKIE. 175 nit leurs flots en tresses pressantes autour d'un chaos de blocs éboulés, on met pied à terre sous l'auvent d'une auberge rustique ; dans cette auberge est une table, dans cette table un tiroir, dans ce tiroir un livre, vieux, jauni, maculé, écorné ; et dans ce livre, plus sale que sacré, se peuvent lire les noms et les réflexions, les pensées ou les platitudes de tous les voyageurs, un instant descendus là , et diversement inspirés par la beauté du site ou la gaîté du repas. La plupart des phrases ou des strophes signées ainsi, au vent de la plume et au hasard de la fourchette, ne sont que les échantillons banals du même style, — le style de la bêtise humaine, — étalant partoul, sans pudeur, sur les registres, comme sur les murailles, sa misère et sa vanité ! Çà et là , pourtant, et en sautant les pages à la douzaine, on est arrêté par quelques lam- beaux colorés d'originalité ou par quelques fines pointes de plaisanterie. Ceux qui les jettent de la sorte en pas- sant, et après boire, sur ce livre, sans cesse engrossé d'inepties, ne se soucient pas toujours d'y apposer leurs vrais noms. Toutefois, un vers, un mot suffisent à trahir l'artiste en ronde joyeuse ou le penseur en mélancolique tournée. Ainsi, quand nous arrivâmes, l'abbé Dauphin et moi, petit abbichon de rencontre, également brisés par notre galopade et par nos rires , nous tombâmes sur cetle maxime drolatique : « Voyager, c'est sans cesse déménager et les plus fous s'y entendent d'autant mieux ».—PIERRE qui roule. Et sur cet. autre philosophique : « La terre est ronde ; attends-moi sous l'orme, et, quand j'en aurai fait le tour, nous discuterons lequel de nous a eu raison de rester immobile ou de circuler. PAUL.