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172                  HUGO ET VAQUERIE.

été le plus jeune et le meilleur aussi. Pour le dépouiller il
m'a fallu, hélas.'jeter une soutane aux orties !.. Oui bien
j'avais, à cette époque lointaine, la sublime illusion d'une
 vocation religieuse ; je me croyais appelé de Dieu, dans
la nuit, comme Samuel, et je lui répondais de toute ma
 voix — de tète, — et par la voie la plus courte, celle du
sacrifice de ma jeunesse sur les degrés de marbre blanc
et froid de ses autels.
   De profondes douleurs, de poignantes angoisses avaient
trop tôt prédisposé mon àme d'enfant à toutes les exal-
tations de l'idéal, et je m'étais lancé en Dieu, à ciel ou-
vert, comme le malheureux qui se précipite au premier
gouffre qui s'offre à lui, et par le seul élan de son déses-
poir !
   Si amères furent la gorgée de lait et la bouchée de
pain que je bus et mangeai tout d'abord à mon arrivée
en ce monde, qu'elles me firent aussitôt cracher la vie,
la vomir jusqu'à rendre l'âme... Ho ! j'en suis encore,
maintenant, à me demander comment j'ai pu reprendre
ma place au banquet, et j'admire par quelles séries d'a-
ventures et d'événements me voici de nouveau dans mon
assiette et le verre rempli !
   Toujours est-il que, peu après la robe du prêtre, j'en-
dossai celle de l'avocat, bientôt échangée contre celle du
magistrat. Pour cette dernière, — malgré l'ampleur de
ses pans et la largeur de ses manches,—le continuel souci
de la relever aux coudes, soit pour parler, soit pour agir
librement, et l'embarras d'en diriger la queue traînante
dans tous les dédales de la chicane ou de la bazoche me la
firent également et promptement quitter :
       Aux buissons de la route on peut la voir encore !
  À cette heure, enfin, je me coiffe comme je m'habille
de l'idée qui me plaît et de la passion qui me va !