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(12 UN MAnr.vGK s o r s i.;:s TR.'I'IOUFS. cime nature, ni pour les arts, ni pour les choses sérieuses. Elle a dévoré quelques bribes de la littérature française, mal traduites en espagnol et venues ici on ne sait comment. Elle sait qu'elle doit vivre avec vous, et c'est pour elle une aurore de bonheur à son horizon, car jusqu'ici elle a prodigieusement souffert. Les chagrins de son enfance, les mauvais traitements qu'elle a reçus dans sa propre famille, la tristesse sépulcrale qui l'attend dans ce pays perdu sont autant de raisons pour sentir mieux que personne la joie d'échapper à ces douleurs et de bénir la main qui aura forcé les grilles de cette prison. Vous voyez, mon père,que je ne me suis occupé ni de sa figure, ni de sa for- tune. Et pourtant puisque vous désirez, ainsi que vous eu avez le droit, connaître à fond la moindre de nos pen- sées, permettez-moi de vous dire qu'il y a peut-être pru- dence à se créer ici une indépendance véritable, plutôt que de se laisser ballotter aux espérances vagues de notre vieux monde. Je suis jeune, mais j'ai observé, et cent fois en Europe j ' a i entendu des plaintes amères sur l'encom- brement des carrières, sur la difficulté et l'impossibilité presque d'y utiliser son intelligence. Ici, mon père, la terre, si fertil-, est cultivée à peine. Avec d'i labeur et de la persévérance, il doit être facile de s'y faire un sort honorable, et qui sait si un jour l'abri que j'aurai créé de mes mains, que j'aurai embelli de mes soins, ne sera pas pour vous et pour ma mère un refuge contre les circons- tances de la fortune ! Vous voyez que je ne suis point enthousiaste. Si je désire épouser Dona Herminia, c'est que je crois voir dans cette union des motifs raisonnes, sinon d'un bonheur parfait, au moins d'une félicité calme. J'échappe aux incertitudes de l'avenir, je me fixe par le travail, et si le malheur venait à nous frapper dans ces régions sauvages, si la main de Dieu, toujours cachée dans