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                    CHRONIQUE LOCALE.


    Chaque saison a ses produits qu'elle nous livre pour le plus
 grand bonheur de l'humanité. L'hiver a les marrons et les pia-
 nos. Quand la neige tombe, on s'enferme dans une vaste salle,
 et pendant quatre heures on jouit des douceurs du Beethoven :
 avec du vin blanc et des crêpes ce serait l'idéal du bonheur.
    L'été nous offre les abricots et les cornets à piston. Les fan-
 fares et les orphéons fleurissent; qu'on aille à la campagne pour
 prendre l'air et se reposer à l'ombre des grands bois, c'est un lïa,-
 sard si on n'entend pas, outre les accents du rossignol, les mélo-
dies cuivrées d'une Harmonie ou d'un Echo quelconque ; on res-
pire le doux parfum des acacias, pendant que les oreilles s'en-
 ivrent de Tanhauser ou de Rigoletto La France est si mélomane
 que, pour la majorité de ses citoyens, un air de violon vaut
mieux qu'un morceau de pain.
    Lyon est à la hauteur du siècle,* que dis-je? il est à la tête du
mouvement. Avez - vous vu le grand Festival des Macchabées
donné, dimanche dernier, par quarante Sociétés musicales? quel
entrain , quelle verve ! quel enthousiasme ! Toutes les fenêtres
avaient des drapeaux, toutes les rues étaient ornées de guir-
landes, toutes les portes étaient grandes ouvertes aux dilettanti
venus de Villeurbanne ou d'Irigny. Les vieux échos romains de
Trion, de Fourvière, de Saint-just, de Saint-Irénéc n'avaient pas
entendu de si joyeux éclats depuis les trompettes de César. Le
Forum, le vieux théâtre, les aequeducs, les voies romaines, les
mosaïques, les tombeaux se réveillaient étonnés se demandant si
les légions revenaient victorieuses, ou si Agrippa donnait quel-
que fête dans son palais! En vain des raffales omettaient en fuite
les concertants^ à chaque rayon de soleil les fanfares et les or-
phéons reparaissaient, suivis et acclamés par la foule. La distri-
bution des médailles, la retraite aux flambeaux, ont produit des
effets indescriptibles. A minuit, l'enthousiasme n'était pas éteint.
   Un produit plus neuf et plus robuste que les concerts, car il
est de toutes les saisons, ce sont les Conférences ; cela verdit
éternellement. On en fait sur tout, sur la politique, les machines,
les sainfoins, la France et l'Angleterre, les avocats, les maux de
gorge, l'eau claire; le sujet n'y fait rien, pourvu qu'on parle on
a de suite deux mille auditeurs. Dernièrement il est venu un sa-
vant de Paris qui nous a parlé du Ciel. La vaste salle du Palais
des Arts s'est trouvée trop étroite, bon nombre d'auditeurs sont
restés à regarder les étoiles en se promenant dans le jardin. Il
est vrai que le sujet était palpitant d'actualité et d'intérêt.
   Il paraît en effet que, malgré la solidité des rouages, plusieurs
choses, là haut, laissent à désirer. Les jours croissent et les nuits