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252 EXPOSITION DES AMIS DES AtiTS. manifestation : prédominance des perceptions objectives d'une part, prépondérance des impressions subjectives de l'autre. Nous aurons donc deux classes d'artistes ; les uns, éblouis par les splendeurs du monde extérieur, n'am- bitionneront pour leur œuvre que l'expression fidèle de ce que leurs yeux auront vu ; les autres, émus devant le même spectacle, chercheront à donner à l'interprétation de leur modèle une sorte de reflet de leur émotion même, quelque chose de leur essence propre. On ne saurait donc s'étonner de ce que l'opinion ait une tendance à prendre exclusivement parti pour les œu- vres de tel ou tel mode. Car la même loi qui gouverne le tempérament des artistes régit aussi le sentiment des foules. Mais l'artiste ne peut être autre que lui-même devant son œuvre, tandis que la critique qui procède par analyse, et dont le mandat est bien plutôt de guider l'o- pinion que de réglementer l'art, doit élever la somme de ses notions et de sa compétence jusqu'au niveau d'un éclectisme impartial. Un exemple, pris dans deux personnalités puissantes, résume notre pensée. Eugène Delacroix (qu'on nous permette l'expression en faveur de sa brièveté)nous semble subjectif'par excellence. Courbet éminemment objectif. Nous sommes convaincu que chacun des deux modes peut produire des chefs-d'œuvre. Hors les franches ex- pressions de l'individualité, il n'y a plus d'art sérieux. Le servilisme dans l'imitation des procédés de tel ou tel maître, les recettes banales d'un enseignement étroit, les principes de convention ou de mode ne produiront jamais que des ouvrages médiocres ou nuls. Nous tâcherons de faire, dans notre très-rapide revue, l'application de ces considérations préliminaires.