page suivante »
176 CHRONIQUE LOCALE. causeur dans notre ville; c'était uue mauvaise chance. S'il se fût jeté dans le Rhône, à coup sûr il ne s'y serait pas noyé; il n'y aurait pas trouvé de l'eau. Mieux inspirés ont été Messieurs les artistes grenoblois Rahoult et Blanc- Fontaine. Ils se sont rendus tout simplement au Cercle-de-1'Union-dcs-Arts où ils ont serré la main aux nombreux admirateurs de leur beau talent ; ils ont accepté le dîner de la Société des Inutiles, et, loin de proclamer Lyon une ville fermée à la causerie et à l'esprit, du fond de leur cœur ils ont salué l'hospitalité que les artistes et les hommes de lettres lyonnais leur offraient avec une courtoisie toute parisienne et une sincérité toute pro- vinciale. — Savez-vous quel est l'homme le plus embarrassé de Lyon? Ce n'est ni M. Bnrdin, ni M. Guillet, ni M. Morel, ni aucun de nos autres fondeurs de cloches ; ces Messieurs sont très au courant de ce qu'ils ont à faire ; l'hom- me le plus embarrassé en ce moment est M. Bonnet, l'artiste, le sculpteur, M. Guillaume Bonnet enfin qui, ayant à représenter sur un bouclier les ar- mes de la ville de Lyon, ne sait qu'y mettre ? C'est fort, n'est-ce pas? Eh ! bien, cela est. Il a beau heurter à la perle de tous les savants, consulter les plus fortes têtes, il arrive plein d'espoir et s'en va sermonné, consterné et beaucoup plus indécis que lorsqu'il est entré. De gueules au lion d'argent, lui dit l'un.— De gueules au lion d'argent, au chef cousu de France,hùt\\n autre.—Gardez-vous en bien,dit un troisième; les fleurs de lis sont abolies par un décret, mettez de gueules au lion d'ar- gent, au chef cousu des bonnes villes de France, c'est-à -dire de gueules aux trois abeilles d'or.— Ces armes ont été modifiées par un décret,reprend un quatrième ; les dernières armes officielles sont de gueules au lion d'argent, tenant dans sa patte dextre un épée haute de même, au chef d'azur chargé de trois fleurs de lis d'or. On avait supprimé le chef et l'épée sous Louis-Philippe, répond un cin- quième.^— Mais pas en vertu d'une loi, reprend un savant non moins savant que les précédents; on doit s'en tenir au décret du 27 février 1819, jusqu'à ce qu'il soit supprimé. — Peut-on mettre des fleurs de lis sur un monu- ment érigé sous le second empire ? dit quelqu'un? —Peut-on fausser l'his- toire? dit un autre.—Et voilà comment M. Bonnet, voulant plaire à tout le monde, reste le ciseau à la main , attendant, non sans inquiétude, que- tous nos érudits soient d'accord, pour graver enfin sur la fontaine des Brot- teaux les véritables armes de Lyon. Quand il sera sorti d'embarras nous en préviendrons nos lecteurs. — On nous avait promis un compte-rendu de l'Exposition des Amis- des-Arts, nous l'avons attendu huit jours, puis quinze. Au lieu de pren- dre des notes au Salon, notre collaborateur a sans doute promené sa rêverie dans les bois de Roehccardon. Nous espérons pouvoir donner son étude dans notre prochain muméro. En attendant, nous saluons ce peintre qui a représenté, sous le n° 422, un gentilhomme entouré de quilles, de raquettes, de volants, d'intruments de musique, de tableaux et qui joue, avec une attention si profonde, au bil- boquet. La foule dit: c'est un fou, le livret, un flâneur; nous répondrons : c'est un philosophe qui regarde du même œil la peinture, la musique et les jeux innocents. N'est-ce pas la pensée intime de la plupart des gens d'à présent? Qu'en dit l'auteur? " A. V. AIMÉ VINGTRINIER, directeur-gérant.