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                           HOMÈRE.                          131

l'Iliade, et la guerre des Curetés et des Étoliens telle que
Phénix la raconte a Achille au livre ix, dans cette fameuse
nuit où les envoyés des Grecs essaient en vain ds fléchir,
l'âme obstinée du jeune héros.
    Mais je vais plus loin. Lors même que tous ces faits, tous
ces détails ne seraient que des fables; lors même que le
poète, ce qui n'est point admissible , aurait créé de toutes
pièces dans son imagination tous les éléments de ses récits ;
ou, ce qui n'est pas plus vraisemblable, que les traditions
où il les a puisés seraient de tout point mensongères, l'Iliade
et l'Odyssée n'en resteraient pas moins une source inesti-
mable pour l'histoire des premiers temps de la Grèce, pour
l'histoire des mœurs, des usages, des institutions, de la ci-
vilisation, de toute la vie matérielle et morale de cette épo-
que. Si nous voulons connaître le peuple grec , a ce mo-
ment do sa jeunesse qui annonce déjà sa puissante maturité,
 c'estdans Homère, et dans Homère seul que nous pouvons
 en trouver le tableau ; et tous les historiens de la Grèce sont
 tenus de commencer par là, comme l'a fait naguère avec
tant de succès M. Duruy, -dans son beau chapitre sur les
 mœurs et l'organisation sociale des temps héroïques. A ce
 sujet, un de ces historiens, et le plus récent, M. Grote,
 fait une distinction que nous devons signaler, car elle prend
 faveur; M. Sainte-Beuve s'y ralliait récemment dans un de
 ces spirituels Lundis où il touche avec une égale supério-
 rité aux sujets les plus divers : c'est que les mœurs dont
 nous trouvons la peinture dans Homère, ne sont point celles
 des héros qu'il chante ; qu'elles appartiennent en propre a
 l'âge même du poète qui, par un anachronisme fréquent dans
 la poésie et dans les arts, revêt le passé des couleurs de son
 temps. «C'est ainsi, dit M. Sainte-Beuve, que nos anciennes
 chansons de Geste où figurent Charlemagne et Alexandre,
 n'apprennent rien sur les héros mêmes ni sur l'état delà société