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222 DE LA SOCIÉTÉ A LYON. « pre'sent j'avais toujours considéré la conversation comme « un plaisir égoïste. Eh bien ! je n'ai rien dit et je suis en- « chanté. Religion, sentiment, littérature, politique même, « nous avons touché a tout. De quoi n'avons-nous pas parlé? « que d'idées échangées en une heure ! et chacun a payé « son tribut. Pas un monologue. Quand on veut faire un « livre, si l'on pouvait causer ainsi avec soi-même, ce serait « assurément la méthode de travail la plus féconde. » « Paris, me disait-il encore, est sans contredit la ville où « l'on rencontre les plus brillants causeurs ; mais, a part « quelques hommes qu'on écouterait pendant l'éternité, la « conversation n'y est un plaisir sincère que pour ceux qui « parlent. Même en cela se retrouve la devise de notre « temps : chacun pour soi. On tire son petit feu d'artifice « dans un salon, puis on s'esquive pour aller le recommencer « dans un autre. Vous aurez peine à me croire, mais avant « cette soirée je n'avais jamais rencontré la simplicité et la « bonne foi dans les jeux de l'esprit. » « Vous me semblez trop sévère ; dis-je a mon tour ; j'ai « des souvenirs bien différents, et j'allais vous citer un salon « de votre faubourg Saint-Germain, où il y avait autant de « sincérité que de grâce, mais je me rappelle que c'était « celui d'une dame lyonnaise, et que ses habitués, sinon les « plus illustres, au moins les plus aimables, étaient Lyonnais « eux-mêmes. » Notre entretien se prolongea longtemps et j'eus tout le loisir d'expliquer a mon ami comment l'alliance sérieuse des qualités de l'esprit et du cœur, qu'il avait remarquée chez ses hôtes, était particulière a notre province. AParis, le cadre de la grande société embrasse des diversités infinies. Il admet tout ce qui est riche et célèbre. Ce n'est souvent qu'une ri- chesse d'un jour ou une célébrité d'un moment ; aussi les salons ne sont guères que des lieux de passage ; on y entre